jeudi 1 novembre 2007

Du froid, du vin, et pas de chocolat.

C’est sous le coup de l’indignation et agitée par la révolte que je prends le temps de vous écrire cette semaine. Nous sommes dimanche 21 octobre, il est 21h44, et rien ne va. Il fait 12°C dans ma chambre, ce qui, vous en conviendrez, est fort peu. Outre cet inconfort notoire, ce qui dépasse franchement les limites de l’acceptable, c’est la température ambiante EXtérieure. 7°C. En Italie. En Toscane. AU SUD de l’Europe ! C’est un scandale. Rendez-vous compte ! Moi qui pensais naïvement faire mon hirondelle, partir me la couler douce au soleil le temps que la rude saison s’en reparte vers le Nord. Et au lieu de ça, je me les pèle injustement sur une colline venteuse. En plus la France s’est fait humilier par l’Argentine ce qui fait beaucoup, beaucoup, (beaucoup trop) rire les italiens. Tssssssss.

Ce week-end, c’était « gita erasmus » à Perugia et Assisi. Au programme du samedi, quartier libre dans Perugia en ce dernier week-end de l’ « Eurochocolate », ce que j’avais traduit par « salon du chocolat » avant d’y mettre les pieds. Ce n’était pas un salon du chocolat ; d’abord, il n’y avait rien de gratuit. Les quelques rares échantillons gracieusement distribués au public étaient de l’ordre du carré de chocolat que le cafetier vous sert avec l’expresso. Rien d’extravagant ni d’original donc. Par ailleurs, tout était cher. Pas moyen de trouver le kilo de chocolat « brut » à des prix bradés. Tout était vendu de manière noble, en produit de luxe. Mais pauvre gastronome, celui qui est prêt à dépenser de telles sommes sans avoir pu goûter la marchandise ! Le chocolat, c’est une surprise à chaque dégustation, c’est un poème, c’est un parfum astucieusement composé d’une gamme d’essences, et le mélange plait ou non selon les goûts, les sensibilités. Qui achète un disque sans en avoir jamais écouté un extrait ? Qui achète un tableau sans l’avoir regardé ? Et enfin, pour jouer la carte du produit de luxe, il me parait impératif de faire un effort de présentation. Aucune sculpture en chocolat, aucune présentation artistique, aucun thème, non, que des stands commerciaux de fête foraine, comptoirs, abondance désordonnée, vendeurs/e désagréables, peu enclins à détailler pour vous la composition de leurs produits. Ils vous répondent sur ce ton exaspéré qui sous-entend « vous n’avez qu’à le goûter ! » Certes. Le chien se mord la queue. C’est un cercle vicieux.

Il a fait froid, très froid ce jour-là. Mais le rire réchauffe le corps et l’âme, et je dois dire que je me marrais bien. Nous étions partis pour deux jours, retour le dimanche soir. Moi bien sûr, en aventurière aguerrie, je me suis limitée au minimum, le ramenant au nécessaire : une serviette de toilette, ma brosse à dents, juste ce qu’il faut de rechange. J’ai hésité, puis finalement pris mon crayon et mon mascara parce que nous allions tous en discothèque le samedi soir, et qu’un minimum de standing s’impose. Sans oublier trois pulls (superposables) dont la polaire « cold-proof » censée me protéger contre le froid saisissant qui règne la nuit dans…ma chambre. La même polaire m’a permis de passer une journée convenable tandis que l’écrasante majorité des Erasmus (au féminin) claquait bruyamment des dents dans leurs petits jean-vestes d’autonome. Les mêmes avaient pourtant emporté une valise entière, soulevant l’ombre d’un doute dans mon esprit embrumé par le lever matinal (« on part bien que deux jours oui ? ») Puis arrivés à Perugia, confrontés à un évident choc thermique, j’ai bien sûr pensé, les malines ! Elles ont regardé la météo, elles ont bourré leurs sacs de vêtements chauds. Que nenni ! Entre les sèches-cheveux, les friseurs, les lisseurs, les vingt-cinq tubes de produits différents, les ribambelles de colliers et les trois tenues entre lesquelles on en choisira une à porter samedi soir, plus de place pour le pull en laine de mémé, aussi disgracieux qu’utile lorsqu’on se balade dehors par 6°C un jour de grand vent. Je gardais pour moi les réparties sarcastiques qui me brûlaient la langue à chaque fois que l’une s’exclamait « mais ça caille !!! ». Bien observé…

Le soir, repas de groupe à l’auberge, et donc, bordel orchestré par les gars du GES (gruppoerasmussiena.it) Au menu : vin rouge à volonté. (entre autres, mais sachons aller à l’essentiel.) Bien entendu cette situation a donné lieu à toutes sortes de chansons paillardes, coutume décidément internationale : « Ceux qui sont du Portugal, levez vous, levez vous… prenez votre verre ! … buvez buvez buvez etc… » et on finit joyeusement sur un « l’acqua fa male, il vino fa cantare ! ». Bien sûr la France a eu son tour ; sauf qu’entre chaque vers de la chanson, les joyeux trublions inséraient un tonitruant « CAAAAAAMPEONE DEL MOOOONDO ! CAAAAMPEONE DEL MOOOONDO ! » sur un air bien connu. Qu’ils sont taquins. Je rumine ma vengeance prochaine.

En attendant le bus, le Groupe a organisé quelques rounds de « la guerra del vino », dont le principe est évidemment de boire plus vite que les deux autres concurrents. J’ai honteusement perdu face à une belge, mais j’ai tout de même devancé l’espagnole. C’est pas juste, elle était surentraînée.
Les survivants du dîner « open bar vin rouge » sont montés dans les bus direction la discothèque, tandis qu’une poignée de courageux prenaient en charge ceux que l’alcool avait décimés. Le lendemain, les traces de cette nuit épique se lisaient encore sur les visages pâles et cernés.

L’après midi du dimanche fut consacrée à la visite d’Assise. Contrairement à Sienne, dont rues et bâtiments ont parfaitement épousé le terrain et ses caprices, Assise impose ses lignes et ses angles. La ville embrasse la colline dans un ordre classique et rangé. Les arches du monastère sont parallèles et arrivent à la même hauteur, même si pour cela certaines ont les piliers plus longs que d’autres… Là où le terrain ne permet pas l’horizontale, l’architecture la crée. L’intérieur de la Basilique de Saint-François d’Assise était entièrement recouverte de peintures, dans les tons bleu, rouge et or. La saisissante spiritualité du lieu m’a presque convaincue d’allumer un cierge pour mes grands-parents. Mais conservation des peintures oblige, on ne pouvait pas allumer les cierges, seulement les acheter. Je me suis donc abstenue, et Saint-François s’en est vengé d’une manière odieuse. Il a fait grand vent toute l’après midi, mais ce n’est pas le pire. Une fois enfin rentrée à Sienne, je me suis hâtée vivement de rejoindre mon quartier général, animée par la douce pensée d’une douche chaude et d’un plat de pâtes. Bon je me suis tout de même fait arrêter par la vitrine d’un magasin de chaussures. (-70% dernière démarque.) En entrant dans l’appartement, premier choc : température ambiante 12°C. Froid. Ça commence mal, mais ça finit pire…
La cruauté est une notion subjective. Ecraser un insecte qui ne vous a rien fait, c’est méchant. Torturer votre petit frère, ce n’est pas sympa. Rentrer de week-end fourbue et crasseuse dans un appart à 12°C, c’est dur. Se rendre compte qu’il n’y a pas d’eau chaude, ça c’est vraiment cruel. J’ai serré les dents pour ne pas hurler et maudit Saint-François d’Assise pour ne pas penser au froid qui m’engourdissait la tête. Le point positif était qu’après la douche glacée, l’air ambiant de l’appartement me semblait s'être réchauffé.


Que tout le monde se rassure, l’hiver est reparti aussi rapidement qu’il était arrivé, et cette semaine, la douceur de l’automne a repris ses droits. Bien sûr, cet épisode m’a fait oublier toute considération stylistique et je ne me suis jamais décidée à l’achat d’un manteau et trois pull aussi rapidement que ce lundi matin. Le chauffage tourne à présent, et la seule chose qui me chagrine est que la saison de l’apéro touche à sa fin…

Cela dit, c’est la saison des dîners entre amis qui commence, ce qui n’est pas plus mal, vraiment…

À suivre.

C.

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