jeudi 10 janvier 2008

Fiat Lux...


C’est une tradition familiale, devenue tradition personnelle, devenue exutoire annuel et moment d’introspection privilégié : le bilan. La perspective du passage à la nouvelle année est propice à la prise de bonnes résolutions, car la nature a horreur du vide, et la feuille blanche du neuf attend d’être remplie. Mais avant de s’en préoccuper, il convient de faire le bilan du chemin parcouru.

Je suis satisfaite des Résolutions 2007. Dans l’ensemble, elles ont été correctement suivies, tant les grands principes volontairement vagues et généraux que les dispositions particulières composées d’objectifs précis à atteindre. Je renouvelle une feuille de route similaire pour 2008, puisque la formule est efficace. Mais pour 2008, je me fixe un objectif en plus, une mission bien particulière…choisir. C’est étonnant, un choix. Certains sont morts pour permettre aux générations futures de l’avoir, d’autres se tuent pour ne pas avoir à en faire. On hurle et se plaint quand on ne l’a pas, et par moments, préfèrerait ne pas l’avoir. En fait, on n’y échappe pas. Si pour avancer dans l’espace, il faut mettre un pied devant l’autre, chaque mouvement qu’on fait dans le temps est un choix. Tourner à droite, rentrer chez soi, partir, revenir, choisir ses amis, son école, ses études, choisir un nom pour son poisson rouge, un mot de passe pour sa boîte mail, choisir ses mots quand on parle, choisir d’entendre sans écouter, choisir d’aller, ou de rester. Choisir entre poulet ou poisson, entre le vert et le bleu, entre colère et pardon. Tant de choix qu’on fait sans s’en rendre compte, et d’autres qui nous coûtent chaque fibre de volonté. Je sais que je déteste choisir, sans doute autant que j’aurais haïs vivre sans avoir le choix. Ce paradoxe me rend folle de rage à chaque fois que je me retrouve sur la corde raide devant cet éternel problème, qui porte en lui-même sa solution : le choix. Oui, 2008 sera l’année du choix, d’un choix important dont je n’ai cessé de repousser l’échéance. Mais cette année, il va me falloir décider UNE direction. Je n’ai jamais su ce que je voulais faire « plus tard », « quand je serais grande ». Je répondais « maîtresse d’école » parce que c’est mignon, et qu’ensuite les adultes vous foutent la paix. La vérité est que je ne me suis jamais vue dans aucun métier. J’ai fait une filière scientifique parce que c’est là qu’on envoie les « bons » élèves, et que « ça ouvre toutes les portes ». Force m’a été de reconnaître que mon piètre niveau en logique mathématique m’aurait empêchée de devenir ingénieur. Tragédie pour la profession (ou pas), il m’a fallu renoncer à cette voie. (pas vraiment de regrets, je vous rassure.) Maintenant je fais « sciences po » toujours parce que « ça mène à tout ». Mais on ne peut pas aller « partout », et un jour ou l’autre, on finit par arriver à la croisée des chemins. Je sens que ce jour approche, et j’aimerais éviter d’avoir à tirer à la courte paille ou à pile ou face, comme j’ai fait pour choisir un lycée. C’est assez moyen comme technique de choix. À chaque fois que j’ai dû en faire un crucial, et que j’ai suivi la voie de la raison au lieu d’écouter mes tripes, je me suis plantée. Voilà au moins une leçon valide que j’ai apprise au cours de ces années de choix. La meilleure raison, celle qui gagne sur toutes les autres est sa raison à soi, celle qu’on ne parvient pas à expliquer, parfois même pas à soi-même, celle que personne ne comprend. Une chose est sûre, je n’essaierais pas d’expliquer à qui que ce soit pourquoi je suis prête à partir en poste à l’autre bout de la terre du jour au lendemain ; si je laissais passer une telle opportunité, je le regretterais toute ma vie. (Je doute que ma grand-mère puisse comprendre ça…) Ce sera mon deuxième critère de choix : les regrets. Rien de pire, et rien de pire que de regretter en négatif : regretter de ne pas, ne pas avoir fait, ne pas avoir dit. L’erreur en soi n’est pas source de regrets, surtout si on tire une leçon de son erreur. Ne pas faire l’erreur peut être une source de regrets bien plus terrible que toutes les conséquences que l’erreur aurait pu entraîner. J’ai aussi appris cette leçon, et je n’ai jamais plus laissé passer un non-fait, ni un non-dit. Parce qu’il n’y a rien de pire que d’avoir des regrets, on en garde le goût en bouche pour des années.

2008 sera donc l’année du choix de carrière. La perspective de faire face à ce choix me tourmente, et le fait d’en souffrir me remplit d’une culpabilité autrement plus douloureuse : j’ai la chance d’avoir ce choix. Je me plains des tourments qu’il m’apporte, mais je garde à l’esprit que c’est une chance incroyable que d’avoir ce problème, et surtout, de ne pas en avoir d’autres que celui-ci. Non, mon objectif pour 2008 ne sera pas de survivre à la guerre, à la famine ou à la maladie, ce ne sera pas de lutter contre la dépression, ce ne sera pas trouver à tout prix un moyen de subsistance. Non, mon objectif pour 2008 est de décider si je veux être avocate ou fonctionnaire, cadre en entreprise ou en administration, si je veux vivre en France ou travailler à l’étranger. C’est terrible d’avoir le choix, mais la chance et les privilèges dont la vie m’a fait grâce m’interdisent absolument de m’en plaindre. De quoi pourrais-je objectivement me plaindre ?

2008 sera donc l’année du choix. Il va falloir fermer les portes qui font courant d’air et donc distraction, et se focaliser sur une seule direction. Après, advienne que pourra, et je pourrais toujours changer de cap en cours de route. Après tout, un choix n’engage que jusqu’au prochain…

Résolutions 2008

Titre I : Les Grands Principes

N#1 : Prendre des bonnes résolutions

N#2 : Les tenir.

N#3 : Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas où mènent les chemins qu’ils mènent tous au même endroit.

Même dans le noir, il faut choisir…

N#4 : « Appuyez vous sur les principes, ils finiront bien par céder. » Oscar Wilde.

Avoir des principes, c’est bien. Savoir s’en détacher à l’occasion, lorsque les circonstances l’exigent, c’est mieux.

Titre II : Défis et Challenges.

N#5 : Faire un choix de carrière.

N#6 : Soigner mes langues étrangères, écrit et oral : objectif 4 fluent.

N#7 : Etudier RE-GU-LIE-RE-MENT ! Planning, to do lists and so on : LES SUIVRE ! (Bordel de m… !)

N#8 : Trouver un stage rémunéré ou un job abroad.

N#9 : Ne pas lâcher la plume… Keep posted.

Titre III : Dispositions d’ordre général

N#10 : PRENDRE LE TEMPS. Personne n’a jamais le temps, il faut le prendre…

Prendre le temps de cuisiner. - Halte à la malbouffe étudiante !

Prendre le temps de s’aérer, faire du sport. - Quoi de plus urgent que de se maintenir en bonne santé ?

Prendre le temps de creuser les sujets qui m’intéressent, au diable le superflu. Je ne prends d’ordres de personne !

Prendre le temps de rentrer plus souvent – et pas seulement à Pâques, ou à la Trinité…

Prendre le temps d’écrire… de raconter.

« un jour où on ne ferait rien d’imprévu est une journée perdue ! »

Prendre le temps de le perdre … !

N#11 : « Le vrai courage, c’est de savoir affronter ses propres peurs ». Et il est grand temps de me défaire de mes peurs irrationnelles : téléphone, voiture, perte de contrôle.

N#12 : Pour garder le contrôle :

Pourquoi je m’énerve ? Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? Est-ce que ça aide ?
Comment en suis-je arrivée là ? Comment éviter de m’y retrouver à l’avenir ?
Quelle est ma part de responsabilité dans ce qui arrive ? Quelle est la part de fatalité ?

En toutes circonstances : j’assume.

N#13 : J’écoute.
Ce que les autres ne disent pas est ce qu’ils ont de plus important à dire.

N#14 : ne pas remettre à demain ce que je sais pertinemment que je ne ferai pas demain. Ce qui est à faire doit être fait, et ce qui est fait n’est plus à faire ! (C’est d’une logique, quand on y pense !)

N#15 : OSER !
L’audace est cette touche de piment qui relève le quotidien… Le risque est le prix de bien des belles choses…

N#16 : Faire en sorte de ne rien regretter !

N#17 : Plus tôt on se trompe, moins c’est grave. Plus on se trompe, plus on apprend. À méditer.

2008: année du choix…

Auguri...

A tutti.... AUGURI DELLA SICILIA !!!!!

A tous, je vous souhaite le meilleur de cette année 2008, que la vie reste toujours incertaine, imprévisible, que chaque jour reste une surprise du lever du soleil au coucher de la lune.

Meilleurs voeux pour 2008, en direct de la Sicile, repas de famille a l'italiana, que je ne manquerai pas de vous raconter comme à mon habitude. Le champagne est francais, et je le boirai A LA VOTRE !

Un bacio a tutti, tanti auguri per il futuro... !

C.

La Laurea

Décembre 2007

A Antonio M.
Il più italiano degli italiani
Tanti auguri per il futuro, per la nuova vità che si apre in questo giorno particolare.
Tanti auguri per la tua laurea, mercoledi 12 dicembre 2007.
Grazie
C.

Facoltà degli studi di Siena, quinze heures trente. La famille, les amis, tous sont venus assister à la remise de diplôme de la dizaine d’étudiants glorieusement libérés ce jour de cinq ans d’études. Le hall fourmille de gens bien habillés, talons aiguilles, costumes et cravates contrastant avec l’indémodable jean baskets des étudiants. La porte d’une salle s’ouvre, et une étudiante sort, suivie d’un groupe de gens qui la félicitent chaleureusement. Quelques minutes plus tard, elle est rappelée dans la salle avec ses invités. Un tonnerre d’applaudissement gronde à l’intérieur, et la jeune fille ressort couronnée de lauriers. J’avais déjà eu l’occasion d’observer ce rituel étrange, mais aujourd’hui, j’y participe ; mon ami Antonio est le prochain appelé.

Nous entrons dans la salle. Devant, une table de six professeurs en robe noire et écharpe violette. Le président du jury est reconnaissable à l’écharpe blanche et noire qu’il porte sur son épaule droite. Face à l’imposante tablée, une chaise : la place du candidat. Cette étape s’appelle La Discussione. Les professeurs posent des questions ayant rapport avec la thèse de l’étudiant. Cette discussion, ou débat, peut durer de dix à quarante cinq minutes (quinze en moyenne). Quoiqu’il advienne, le candidat obtiendra son diplôme à la fin de la session, ce n’est pas à proprement parler un examen, même s’il y a bel et bien une note décernée, car l’enjeu n’est pas le diplôme. Autrement dit, on ne remet pas en cause cinq ans d’études sur la base d’un oral, au cours duquel on ne pose pourtant que des questions portant de près ou de loin sur la thèse du candidat. Le principe m’a tout d’abord surprise. Comment, votre « Grand’O » à vous ne porte pas sur absolument n’importe quel sujet, de n’importe quelle année et de n’importe quelle section (une chance sur cinq seulement de tomber sur un sujet propre à votre section !) mais il porte sur votre sujet de mémoire ! Vous n’avez pas droit à une heure de préparation sans documents, mais à six mois de recherches et tout le matériel dont vous pouvez rêver ; enfin, on ne décide pas de l’attribution ou non de votre diplôme sur votre seule performance à cet oral. Vraiment étrange, comme système. Mais laissons de côté la mauvaise foi qui m’aveugle, et revenons à nos moutons. Nous ressortons tous ensemble de la salle d’examen, derrière Antonio franchement couronné des traditionnels lauriers. Il est plus que temps de fêter cela dignement, alors en route pour l’apéro dans un café du coin, où famille et amis trinquent joyeusement à la santé du nouveau diplômé, tandis que les bouteilles de Prosecco envoient voler leurs bouchons aux quatre coins de la pièce. Puis, délocalisation de la fête sur la Piazza del Campo. Une dizaine seulement d’étudiants s’étaient diplômés le même jour, et en cette saison hivernale, ils avaient semble-t-il choisi d’autres lieux, couverts, chauffés, afin de célébrer l’événement avec les leurs. Pauvres fous, car malgré la température hostile, le cœur de Sienne était ce soir-là le plus bel endroit de la terre. Il y avait la lumière dansante de l’eau de la Fonte Gaia, il y avait les lanternes des terrasses désertes à cette heure là, il y avait la rumeur de la rue, les pas pressés des passants dans le froid, il y avait l’air de décembre, le ciel de velours et les étoiles de la voûte, et en dessous, il y avait nous, le vin pour réchauffer la gorge et les rires pour réchauffer le cœur. À vingt heure trente, nous avions rendez-vous au restaurant, réservé pour une trentaine de personnes : famille, amis proches, il faut dire que ce sont cinq ans d’études, cinq ans d’une vie dans une ville qui n’était pas la sienne, mais qui l’est devenue, dont on fête ce soir la conclusion. Trois jours plus tard, c’était à grands renforts de larmes que nous souhaitions bon voyage à Antonio, actuellement en stage quelque part au fin fond de la Bulgarie. Le dîner ce soir là, avait des airs de dernier repas, et la fête avait ce goût doux-amer des veilles de grand départ. Il y avait la chaleur de la joie, la joie de se retrouver tous ensemble à célébrer une victoire, mais teintée de nostalgie, celle d’un temps révolu…Qu’on regrette déjà. La fin d’une époque. J’ai connu Antonio il y a deux mois à peine, mais pour les autres, ce sont cinq ans d’habitudes et d’amitiés, de compagnon de bringue, de voisin de bibliothèque qui finissent aujourd’hui. Il y a eu du vin ce soir là, beaucoup de vin qu’un charmant petit blond aux yeux verts s’obstinait à verser dans mon verre en dépit de mes protestations (fort peu sincères, je vous l’accorde. Il avait de très beaux yeux verts.) Le repas fût évidemment un festin, j’y ai même eu l’occasion de découvrir une recette de pâtes que je ne connaissais pas encore, après trois mois, rendez vous compte ! Il s’agit des pici al cacio e peppe, on fait difficilement plus simple, et on fait difficilement meilleur : fromage fondu sur les pâtes et poivre. J’ai renouvelé l’expérience et je m’émerveille encore devant ce plat d’un délice rare. À chaque fois, il me rappelle cette folle soirée, au cours de laquelle le vin s’est bu au rythme des chansons et des « brindisi » ! (un toast ! ) Nous avons bu à la santé de tous, surtout d’Antonio, mais également de l’Italie, de la France, de l’Erasmus, de Zidane, de politiques italiens que je ne connaissais pas. Nous avons chanté des airs que je ne connaissais pas (« ti canterò come se fosse una canzone… ») et ri à pleine gorge. Plus tard, nous sommes repartis déambuler dans les rues de la ville déserte, toujours chantant à pleine voix, nous laissant aller à toutes sortes de comportements que la morale réprouve, que le vin autorise et que l’ivresse pardonne.

C’est une belle gueule de bois qui m’attendait le lendemain, et une dégaine de vampire après un banquet ; je m’étais demandée pourquoi le domaine de provenance de ce vin dont nous avions abusé s’appelait « ciliegio », littéralement « le cerisier. » À en juger par la teinte cramoisie de mes lèvres et gencives, j’ai la réponse. On aurait dit que je m'étais enfilée trois kilos de cerises noires, et même le signal plus blancheur n’a rien pu faire sur le moment. Qu’importe, ma tronche de vampire (pâleur et yeux bouffis qui vont avec) et moi-même avons mis à profit les heures perdues d’un lendemain de soirée arrosée à errer dans la ville, portés par le vent de décembre. Sienne était une carte postale ce jour-là, la pâle lumière de l’hiver lui avait volé ses couleurs, mais les illuminations de Noël réchauffaient son cœur. Trois jours plus tard, un autre ami se diplômait, et célébrait l’événement sur le modèle plus traditionnel de la house party. Je suis restée à l’écart du cubis de ciliegio sur conseil expresse de mes tripes. Antonio partait le lendemain. C’était la dernière soirée, et je me suis laissée surprendre ; j’avais oublié à quel point c’était difficile de dire au revoir à un ami. Un ami, ça ne se perd pas, pas après cinq, dix ni vingt ans. L’amnésie est la seule cause naturelle de fin d’amitié. Mais se séparer d’un ami sans savoir quand est-ce qu’on le reverra la prochaine fois, ça reste une déchirure, et la douleur est insupportable. J’avais oublié, et j’étais inconsolable, notamment parce qu'il n’était que le premier. Dans quelques mois il me faudra repartir, rentrer à Lille, et laisser derrière moi tous les amis que je me suis faits et que je me ferais encore cette année, sans savoir quand est-ce que je les reverrais. La douleur des adieux à Antonio est encore présente dans ma gorge, et la perspective d’être moi-même celle qui partira, de ne pas pouvoir pleurer avec ceux qui restent me glace le sang. Il est tellement facile de se faire des amis. Pourquoi faut-il qu’il soit aussi difficile de s’en séparer ?

J’écrivais ces lignes depuis l’aéroport de Pise, en attente d’un décollage pour Francfort sans cesse repoussé, en raison du vent, nous dira-t-on plus tard. J’aime l’ambiance des aéroports comme celle des quais de gare, la sensation de liberté qui monte à la tête du voyageur solitaire…tourné vers l’avant, sur le départ. J’aime être spectateur du ballet incessant des retrouvailles et des adieux, ceux qui la jouent sobre, ceux qui sortent les mouchoirs. Les amoureux qui se retrouvent, les embrassades de ceux qui sont enfin réunis… J’essaye de m’habituer, mais il faut se rendre à l’évidence. On ne s’habitue pas à partir ; c’est toujours une violence.


C.