dimanche 28 octobre 2007

L'Amant Tourmenté

Lundi, 24 septembre.

Mon Amour,

Je ne sais que te dire ni par où commencer. Je veux que tu saches la peine que cela me coûte de te l’avouer…Mais aujourd’hui mon cœur saigne de ce qu’il me faut maintenant t’écrire.

Hier mon Amour, j’étais pourtant si sûr, certain que tu étais la seule, qu’il n’y en avait qu’une, aucune autre comme toi. Toi, mon unique, ma muse, ma perle, ma plus belle, je t’aimais passionnément. Hier encore vivait dans ma mémoire le souvenir de notre dernière rencontre. Cette interminable attente, toutes ces heures de tourmente, celles qui n’en finissent pas. De nos retrouvailles brûlantes, des heures passées ensemble, sur tes places et tes parvis, sur les quais de ta Seine, à l’ombre de tes ruelles… Mais étaient-ce des heures, des secondes ou des années ? Quand nous étions ensemble, le temps ne comptait plus, il s’était arrêté. Te souviens-tu de nos adieux sur les quais de tes gares, le dernier regard et le sourire forcé, le cœur lourd, la mine triste des amants qui se quittent sans savoir quand ils se reverront. Mais je t’aimais, aveuglément, éperdument. Un jour, je ne serai plus reparti, je te l’avais promis. Nous aurions vécu ensemble, peut être un siècle, heureux. J’aurais vieilli pour deux, pour que tu restes belle, toi lumineuse, toi coquette, toi paresseuse, toi midinette, toi grande dame pleine de sagesse, toi l’Immortelle, toi l’Eternelle. Je te croyais unique, tu m’en avais fait la promesse. Jamais, jamais je n’en avais regardé d’autres, ni tes aînées, ni ces jeunettes, toutes étaient fades et imparfaites à l’ombre de ta beauté.

Ô mon Amour, comme je regrette… Je l’ai rencontrée par hasard, sur le chemin. Je n’étais pas impressionné par ses grands airs, son attitude ni sa réputation. Au début, je la boudais. Elle, rieuse, moqueuse, légère, et moi buté, borné, elle s’amusait de ma froideur et de la distance que j’imposais. Mais plus je lui fermais mon cœur et plus elle persévérait. Et puis, comme ça sans prévenir, je ne sais plus, c’est arrivé. Elle m’a pris par la main, je me suis laissé faire. Je ne faisais rien de mal, ce n’est qu’une promenade ! Elle me montrait ses plus belles couleurs, ses ocres, caramel, rouge du soir, blanc de pureté. Elle se montrait sous son plus beau jour, parée comme une reine, exagérément belle. Mais sans pudeur aucune, c’est la seconde d’après qu’elle me dévoilait tout : ses côtés les plus sombres, à l’ombre de ses rues, les marques que le temps sur elle avait laissées. Je m’enivrais de ses parfums sucrés de cannelle et d’épices, de soleil du Sud et d’herbes de cuisine. Elle sentait bon les vacances et la liberté, elle sentait l’insolence, l’impunité. Elle me racontait son histoire, et moi je l’écoutais. Je buvais ses paroles, dévorais son parfum. Elle me faisait du charme, mes yeux s’en régalaient. Je voulais résister, mais il était trop tard, j’étais déjà vaincu. Je te savais plus belle, je voulais comparer ! Tu n’avais d’égale que ta meilleure rivale, et cela mon Amour, tu le savais. Mais qu’elle soit la meilleure ne diminue en rien ta singulière beauté. Et meilleure, elle l’était. Comme ça, sans prévenir, je me suis laissé séduire sur la Navona. Elle y avait amené Montmartre pour moi, et le souvenir de notre amour mourrait ici à l’ombre du marbre des fontaines… Les peintres gratifiaient les passants d’un peu d’immortalité, et moi, je pleurais des larmes de bonheur ému par sa beauté. Elle m’avait pris le cœur que je t’avais promis. Toute résistance était vaine, j’étais désormais sienne, pour l’éternité.

Je comprends ta colère, et ta jalousie, je peux comprendre tes larmes, pardonner ta furie, mais pardonne moi Paris de t’avoir reniée,
Mais j’ai rencontré Rome, et j’ai tout oublié.
Pardonne moi Paris, je t’ai toujours aimée
Rome a volé mon cœur, elle m’a ensorcelée.
Pardonne moi Paris ! Notre histoire est finie…

…Je suis amoureux de Rome.

Une page se tourne

Mardi 26 juin 2007.
Un jour étrange.

Mardi 12 juillet 2005, 8h30.

« Les journalistes servent-ils la démocratie ? »
La tête appuyée sur mon bras gauche, je regarde mon stylo vaciller dans ma main droite. Le sujet résonne dans ma tête…vide… Je ne pense à rien. En réalité, je repense à cet amphi moisi dans lequel j’étais enfermée hier encore, à Strasbourg. Je pense à la liste des admis à scpo Paris dans laquelle mon nom ne figure pas, et qui a été publiée hier. Je pense à ces six heures de route, à dépasser des voitures où l’on pouvait voir à l’arrière un jeune de mon âge, un livre ou un cahier à la main. Je repense à la déception qui prend à la gorge, à l’angoisse du lendemain indéterminé qui ne me quitte plus depuis plusieurs mois. Je sens la lassitude, qui m’accompagne depuis les épreuves du bac m’envahir à nouveau… Je lève les yeux. Dix minutes se sont écoulées depuis la remise des sujets et mes voisins les plus proches en sont déjà à leur troisième feuille de brouillon. Et là, sans prévenir, la lassitude fait place à la colère. Maintenant, j’en ai marre. La prépa c’est peut être le bagne, mais ici, c’est l’enfer. JE-ME-CASSE.

Mardi 26 juin 2007, 10h. Je sors de mon rattrapage de « Géographie », une-main-dans-le-dos-sur-un-pied-sans-respirer. L’IEP est désert, tout le personnel est à la fac de droit pour encadrer les épreuves d’admission en première année. Vu que j’ai dû prendre une demi journée de congé pour passer ce rattrapage, je n’ai rien de mieux à faire. Et si je croise le dirlo, je lui dirais le fond de ma pensée sur la manière dont les rattrapages ont été distribués cette année. Justement, le vlà, le directeur. Il est à côté d’une jeune fille accroupie qui se tient le ventre. « Elle ne se sent pas bien, sa mère va arriver ».Elle s’appelle Eliane et elle vient de Soisson, en Picardie. Elle a fait un bac ES, mais ça ne s’est pas aussi bien passé qu’elle l’aurait espérée, elle était meilleure élève durant l’année. Le concours, elle est là « juste pour voir ». Elle ira aussi à Aix, mais elle est déjà prise en hypocâgne, et elle préfère y aller, elle n’est pas sûre de vouloir faire scpo. J’ai continué à lui parler jusqu’à ce que sa mère arrive, parce que la vraie douleur n’est jamais aussi terrible que lorsqu’elle résonne dans la tête, en faisant battre les tempes. On oublie le mal au ventre, le mal aux dos, mais sa douleur à elle, je m’en souvenais bien.

Je m’en souviens de cet accès de rage qui m’avait fait rester à cette épreuve, et m’avait fait disserter pendant trois heures, sans brouillon, parce qu’on ne voulait pas me laisser sortir de cette salle, « pas avant 10h30. » Je m’en souviens de ce coup de fil, à midi, qui avait fait basculer la journée, et peut être bien plus de choses. Je m’en souviens de ce bistrot, « Au Nouveau Monde », devant lequel j’étais venue habiter, deux mois plus tard. Je m’en souviens, de ce jour-là. Mais aujourd’hui, dans ces lieux, dans cette ambiance, je m’en souviens sous un nouveau jour. Je vois les parents qui attendent patiemment sur les bancs que leurs enfants sortent de la salle. Je sens l’odeur de l’angoisse, de l’appréhension. Aujourd’hui je suis observateur de ce tableau. Aujourd’hui je peux lui dire qu’au fond ce n’est pas important, que rien de tout cela ne vaut la peine de se ronger les nerfs. Je peux lui dire que je la comprends, que je sais où elle a mal et que je sais pourquoi. Je peux lui raconter que moi aussi j’avais peur. Je lui ai dit qu’ils étaient nombreux à abandonner, et que je n’avais gardé aucun regret, parce que j’avais continué. Elle a finit par se lever, pour s’asseoir à côté de moi sur le banc. Sa voix ne tremblait plus.

Je suis repartie à la fin de l’épreuve. J’ai croisé les candidats seuls, accrochés à leur portable, et ceux venus à plusieurs. J’ai croisé les hordes de parents, les inquiets, les angoissés, et ceux qui le cachent derrière un masque de sérénité. Les grands frères et les grandes sœurs, et les ami(e)s venus soutenir leur candidat. Cette fois ci j’ai vraiment quitté la scène. Elle m’avait laissé un sentiment étrange, à l’époque, cette journée. C’était le dernier concours, la dernière chance et j’avais failli la laisser s’envoler. J’étais soulagée. Toujours dans l’incertitude, toujours dans l’attente, mais soulagée d’en avoir fini avec ma partie du travail. Les dés étaient jetés, et avec eux la déception, la colère, et l’angoisse.Deux mois plus tard sur les marches du Sacré Cœur, j’avais commencé une nouvelle vie.

Mardi 26 juin 2007. J’ai quitté la fac le cœur léger, et je suis repartie vers la préfecture, en marchant sous la pluie de ce morne jour de juin, avec le sentiment qu’une page venait d’être tournée. Enfin.
C.

And then what ?

Considérations sur le film "Marie-Antoinette" de Sofia Coppola.
.
Samedi 27 mai 2006.
.
in english, like the movie...
.
" I’m wondering… what if Louis the XVI had been self confident enough to not let himself influenced, manipulated by his own ministers ? What if he had had the courage to stand up to them, and impose his own will ?

What if he had refused to send funds to help the Americans back in the 1770’s ?

I’m wondering… what if young Marie-Antoinette had had the nerve to stand up to the Court of France, smash rumors, crush criticism ? What if she had had the charisma to get over her loneliness, and fully play her role of Queen of France ? What if, instead of letting herself being intimidated by the Court, and thus spend huge amounts of money in luxurious parties, fabrics, and jewerlies, she had had the strength, willingness, and self confidence her husband lacked ?

What if she had been exemplary, would she have been the target of criticism to the monarchy ?

Go on… And imagine : no funds to America. Britain wins, and owes France for their victory. Thus : no retaliation : Britain doesn’t hold back the ships carrying wheat and flour to France, to supply for the bread shortage ; the very same bread shortage that triggered the Revolution.

No funds to America, no extravagant ruining parties every evening at Versailles : no public debt, no tax raise, no public outcry.

Keep going… no Revolution. The crown is not challenged.

Still with me ? Imagine that Louis and Mary Antoinette educate their children to follow their steps.

Would we still have a King at the head of France, if the Revolution had never happened ?

Would it be… a BAD thing ?



I still hang on to my theory about power, that power is something too heavy, too dangerous for one man to carry. That the best that could happen for such a man, is to go mad. You never have enough of it, and you never stop fighting to keep it, or to get more.
But what if you were born with all the powers, raised with the idea that you will one day rule over a kingdom, and that no one were to challenge your authority, that you would remain supreme AND only sovereign until your death.

What then ?

No pressure. No need to get more power : you’ve got them all. No need to fight to keep it : there’s no one to challenge you, no five-year terms, no electoral campaign, no elections.
That leaves your mind free of all those unimportant matters. You can focus on what matters, make important decisions without any other concerns that being a « good » sovereign, like your father taught you to be. To leave your name in History.

You still get surrounded by ministers and counsellors who will try to influence you. Who are closer to the people, and will relay the popular will. But you only have the wisdom to decide, according to the popular will AND the national interest.

Is it… So hard to imagine ?

Again : what would have happened IF… back in the eighteenth…



It strikes me how much personal stories can change the course of History. How two single people sealed the fate of the next generations, for centuries to come.

Now tell me again that one person cannot make a difference. Tell me again « that’s the way it is, and there nothing one single person can do. »

Yep.
One person really is too insignificant to influence the course of History.

C.

Résolutions 2007

Dimanche 21 janvier 2007.

Titre I : Les Grands Principes

N#1 : Prendre des bonnes résolutions
N#2 : Les tenir.
N#3 : « Appuyez vous sur les principes, ils finiront bien par céder. »
Avoir des principes, c’est bien. Savoir s’en détacher à l’occasion, lorsque les circonstances
l’exigent, c’est mieux.
N#4 : « La vie est une question de priorités. »
- Les priorités : les études, la famille, les amis, le rock, le sport, les loisirs, le BDE, le CA, les soirées, les corvées, la paresse (liste non exhaustive)
- l’ordre des priorités : dépend des jours, des moments, des saisons…

Titre II : Défis et Challenges.

N#5 : Etudier ré-gu-liè-re-ment et pas à l’arrache le dimanche soir…
N#6 : Trouver un job pour cet été
N#7 : Trouver un stage pour la 3e année
N#8 : apprendre l’italien.
N#9 : organiser la Moulinette.

Titre III : Dispositions d’ordre général

N#10 : Ne pas sécher les amphis sous prétexte que ce ne sont que des amphis. (sauf cas de force majeure, excluant la paresse caractérisée.)

N#11 : ne pas remettre à demain ce que je sais pertinemment que je ne ferai pas demain.

N#12
: La vie est courte et le temps s’envole, ne pas oublier qu’un jour où l’on ne ferait rien d’imprévu est une journée de perdue...

N#13 : pas de dépenses inconsidérées : les plaisirs simples sont les meilleurs, et le bonheur ne s’achète pas. (même en solde.)

N#14 : pas de prises de tête inconsidérées : il n’existe ni petite misère, ni grand malheur qu’on ne puisse relativiser autour d’un café fumant et d’une boîte de chocolats. (Leonidas)

N#15 : Il n’y a rien de pire que d’avoir des regrets.

N#16 : On ne peut jamais regretter une chose qu’on a faite autant que l’on peut regretter une chose qu’on n’a pas faite...

N#17 : Les échecs sont des détours sur la route du succès : se planter n’est pas une fatalité, à condition d’apprendre de ses erreurs.

N#18 : La gueule de bois n’est pas une excuse. TU BOIS, T’ASSUMES !

N#19 : Altruisme sans modération. Toujours. Les ennemis sont des amis incompris.

N#20 : La confiance en soi, c’est important. La modestie et l’humilité sont nécessaires.
Trouver l’équilibre c’est essentiel.

2007 : année se-reine… ^^

Nulla di nuovo sotto il sole

Vendredi, 19 octobre 2007.


Interlude descriptif destiné à combler l’absence de photos.
Sienne en images.



La porte se referme derrière moi. Il est huit heures quarante. Je jette un coup d’œil sur la gauche, où la via di Vallerozzi disparaît sous la porte d’Ovile. Au-delà, à l’horizon, on devine l’étendue de la campagne, sous un carré de ciel bleu. La journée s’annonce radieuse.


La confrontation avec la première épreuve est immédiate : l’ascension de la via di Vallerozzi sur une cinquantaine de mètres. La pente est raide, et le carrefour de l’Abbadia d’où déboulent scooters et voitures avec plus ou moins de considération pour les alpinistes d’un moment en est l’obstacle majeur. Et puis, c’est le sommet, l’arrivée sur la Banchi di Sopra, la route de Rome ou de Paris, selon le sens dans lequel on l’emprunte. Artère principale de la cité, elle est moins rue que fleuve, toujours parcourue d’un flot continu de l’aube aux dernières heures de la nuit. Impossible d’y accélérer le pas, même à cette heure matinale, il faut négocier avec les hordes de touristes, les travailleurs et les étudiants qui se croisent, les livreurs et les taxis qui tentent vainement de fendre la foule. Sur la gauche, la remarquable Piazza Salimbeni, cerclée de trois palais. Au fond, l’entrée de la prestigieuse Monte Dei Paschi, la banque symbole et principal mécène de la ville. Arrivée Piazza Tolomei, je me faufile à gauche de colonne qui porte la Louve et les jumeaux, l’emblème de Sienne ; on la voit partout. Je m’engouffre à droite de l’Eglise qui surplombe la place dans une ruelle bordée de cafés et de tabacs, qui plonge droit vers le cœur de la ville. J’aime les odeurs du matin. Il flotte dans l’air des parfums de café noir, de miel et d’amandes, accompagnés du tintement de la tasse en porcelaine qu’on repose sur son assiette. Je traverse l’autre rue principale, la Banchi di Sotto, aussi impraticable que la Sopra, avant de disparaître sous un tunnel.

Et là, elle explose devant moi. Le Palais sort de terre, la Tour jaillit devant le soleil, le sol s’affaisse et creuse une cuve de pavées roses. Alors que tout était ruelles étroites, foule, promiscuité et confinement, sur la Piazza del Campo, une force mystérieuse semblent repousser tout obstacle solide aux confins de la demi-lune pastelle, bordée de façades médiévales. Sa perspective si singulière est encore plus frappante à cette heure de la journée, avant qu’elle ne soit envahie par la foule. Mon passage provoque une envolée de pigeons, et le bruissement de leurs ailes étouffe le murmure de la Fonte Gaia, aux bas-reliefs de marbre. J’emprunte la ruelle à droite du Palazzo Pubblico, celle qui s’enfonce au plus bas de la ville. L’étroite rue sinueuse irrégulièrement pavée se déroule sous mes pas, et serpente à flanc de colline. De temps à autre, on peut apercevoir une ruelle adjacente escalader le relief, se dérober sous la pente, disparaître sous un porche.


Commence alors la plus rude épreuve du trajet : l’ascension de la Via Giovanni Duprè. La côte se dresse devant moi, impitoyable, couronnée de son arche fleurie. Je passe devant les portes toscanes qu’on retrouve en cartes postales, sous les balcons en fer forgé, sous le linge qui sèche aux premiers rayons du soleil, sous les volets vernis aux couleurs vives… Sous une arche, entre deux bacs de géraniums, un autre aperçu de la lointaine campagne donne de la profondeur à ce labyrinthe de briques, de pierres et de pavés. Arrivée enfin à la Porte de la Contrada de l’Onde, la rue continue son ascension sur la droite ; elle contourne le restaurant universitaire pour aller jusqu’à la fac’, mais moi je coupe à travers la cour du RU pour passer par le Jardin du Tolomei. Sur quelques pas, la colline bloque la vue, et le ciel bleu, et cette lumière rappellent la dernière dune avant la plage. Et puis, la récompense.

Devant moi, à perte de vue, s’étend la Toscane. Un coup d’œil en arrière complète le tableau : la Tour et le Palazzo Pubblico surplombent la Piazza del Mercato, laquelle sépare les deux crêtes qui portent la ville de ce côté-ci del Campo ; elles semblent embrasser la vallée qui se dérobe devant elles et s’étire jusqu’à l’horizon. Le spectacle est toujours au rendez-vous, mais ce n’est jamais le même. Le matin, la brume envahit la campagne, donnant l’impression de faire face à un océan d’écume. Une tempête silencieuse, immobile, fait rage devant mes yeux. Tout me rappelle ce tableau qui illustrait le mouvement romantique dans mon livre de français de quatrième : « Voyageur contemplant une mer de nuages »… A midi, la brume s’est levée, découvrant ça et là quelques perles rouges nichées entre deux collines : un village, un clocher… La campagne dévoile ses formes vallonnées, et le soleil du zénith illumine ses couleurs : vert, ocre, roux et or composent ce tableau d’une harmonie sublime, changeante, sereine. La brise apporte les odeurs de cuisine, de tomates, d’aubergines, d’huile d’olive, d’épices et d’herbes du Sud. Au coucher du soleil, la Toscane éteint ses couleurs, se drapant d’un voile bleu et brumeux, percé de quelques rares points lumineux, miroitant les étoiles. Telle est la vue qu’offre le deuxième étage de la bibliothèque à l’heure où j’écris. (Sala Legislazione, évidemment.)

Tout à l’heure, je descendrai par la Via di Città, qui zigzague entre les Contrade de l’Onde, la Tortue, l’Aigle et la Forêt. J’y croiserais peut être les Alfieri qui s’entraînent au maniement du drapeau, pour le défilé historique du Palio, au son des tambours. La Via di Città est un autre nerf touristique, bordé de boutiques traditionnelles, desquelles émanent une forte odeur de cuir, celle du sucre des glaces, l’amer du café. Un peu plus tard, on entendra le son clair des verres qui trinquent ; on sentira les parfums du vin, et celui de la pizza qui dore au four, et déchaîne l’appétit.


La ville est vivante. Le contraste est frappant entre l’éternité de ses murs et de ses mansardes dix fois centenaires, et la jeunesse de son cœur. Il n’y a pas de rues désertes, il n’y a pas de silence, tout est musique, mouvements, couleurs, odeurs, lumières. Il est une couleur cependant, une couleur de ville qui manque à celle-ci : le gris. De jour, elle brille de tons pastel, crème et caramel. Le soir, elle dévoile ses ocres, café et chocolat. Elle a parfaitement épousé sa terre, s’est construite et développée au mépris de l’ordre et du rectiligne. Les bâtiments plient et courbent avec les rues, suivent les moindres accidents de ce terrain capricieux, donnant à toute la ville une impression de souplesse, de désorganisation harmonieuse. Tout y est contraste, entre l’ombre et l’étroitesse des ruelles, la lumière et l’espace des places, entre l’immobilité et l’immortalité de ces édifices, et le flot incessant des voyageurs, des visiteurs.



A la tombée de la nuit, les étroites ruelles fermées de hautes façades restituent la chaleur qu’elles gardaient prisonnière, et la douceur du soir persiste de longues heures. La Piazza del Campo se vide doucement, et son étrange perspective devient l’écrin d’une poignée d’étoiles.


Demain, j’emprunterai le même parcours, le même chemin.
Comme d’habitude.

« Nulla di nuovo sotto il sole ».

C.

Chaussures, rentrée et cours de droit.

Dimanche, 14 octobre 2007.
Si je vous écris de si bonne heure en cette belle après midi automnale depuis mon lit, ce n’est pas (seulement) parce que nous avons passé la soirée à oublier la défaite de l'équipe de France de Rugby jusqu’aux petites heures du matin, c’est d’abord et avant tout à cause de la bouteille de glace qui immobilise mon pied gauche. Car C. qui ne se blesse pas de façon aussi originale qu’intempestive n’est pas véritablement C., j’ai donc réussi je ne sais trop comment à me faire quelque chose sur le DESSUS du pied gauche. C’est original, c’est un peu comme le coup de soleil sur les paupières. La semaine dernière, c’était le dos qui me faisait souffrir. La cause a rapidement été mise en évidence : en effet, on ne se promène pas dans des rues montagneuses et irrégulièrement pavées de la même façon que sur un macadam lisse et net. Marcher dans les rues de Sienne demande technique et entraînement. Quand ça descend, ça fait pas semblant, il faut bloquer le dos, se tenir en arrière et faire travailler les cuisses et les fessiers, comme à la montagne dis. Et quand c’est plat, c’est pas vraiment plat parce que les pavés, héhé… C’est fait pour se balader au rythme italien, c'est-à-dire lentement, jamais pressé, sans véritable but précis, « facciamo un giro », ou « ci vediamo in giro » on fait un tour », « on se verra en chemin ») étant deux expressions révélatrices de ce phénomène. Mais c’est certainement pas fait pour accélérer le pas parce qu’on est en retard et qu’il y a cours dans dix minutes. Un changement de rythme s’impose si je veux ménager mes vertèbres. Ma colocataire m’a sournoisement fait remarquer que j’aurais moins ce problème si je portais des chaussures un tantinet plus adaptées à la situation. Après lui avoir froidement rétorqué que mes Minelli étaient on ne peut plus adaptées à la situation, et que si elle croit que le confort est un critère de choix de chaussure, elle se fourvoie sérieusement, j’ai finalement abdiqué devant ce qui me frappait comme étant un argument de pur bon sens. Je porte désormais quotidiennement mes très sexy basket spécial jogging-sur-le-bitume (recommandées par le vendeur de Go sport) à des fins strictement thérapeutiques. Ce qu’il y a de positif à cette situation, c’est que le ridicule évident de mon look ne déteint absolument pas : le port des basket de sport sur le jean est très courant ici. Pour moi c’est d’une laideur finie, mais mon avis ne semble pas être partagé par la majorité de la population. Voyez vous ça.

A part ce léger désagrément que nous espérons passager (j’ai douze paires de chaussures à exhiber et il faudrait sacrément plus qu’un mal de dos ou des phalanges écrasées pour m’empêcher de parader sur talons hauts NON MAIS), tout va bien, et c’est un euphémisme.

Ce lundi 1er octobre avait lieu la rentrée universitaire. Toute rentrée amène toujours son lot d’anxiété, d’excitation et de surprises, mais le facteur « Italie » multiplie ces paramètres par dix. Je quittais donc mon petit chez-moi sur les huit heures trente, parée comme une écolière un premier jour d’école, d’affaires et de couleurs qui sentent le neuf et l’automne… Après une marche sportive, j’arrivais, optimiste, avec le fol espoir de suivre un cours d’histoire du droit italien, pré-choisi d’après les horaires affichés sur le site de l’université. Evidemment, de façon aussi prévisible que Sarkozy fera les titres du prochain JT, les horaires mis en ligne différaient quelque peu de ceux affichés sur les portes de l’université. Surprise surprise ! Résignée, j’ai repensé complètement mon choix de cours, m’asseyant royalement sur le « learning agreement » que j’étais censée respecter. À d’autres ! « Je suis Erasmus, je fais ce que je veux », selon le très personnel adage que je mets quotidiennement en pratique. Ce changement de programme salutaire m’a permis d’en faire qu’à ma tête pour le choix des cours, et surtout, surtout, de me débarrasser des cours « sciences-po », que j’avais choisis en trainant les pieds de toute façon. Cette année, ce sera du droit, rien que du droit, pour le droit et par le droit. Non parce qu’on commence par suivre un cours de politiques publiques, puis ce sera un cours d’économie, et puis pourquoi pas la socio, et puis c’est la section PES, et on finit au chômage. Ou pire, journaliste. Et alors là, sans moi, je rappelle que je fais une allergie virulente au journalisme, à tel point que je suis incapable de suivre l’actualité française. Si quelqu’un veut bien me dire si on est toujours en république, et si oui laquelle, la seule chose que je suis encore c’est la coupe du monde de rugby. Mais je m’éloigne du sujet.

Pour une quelconque raison que je ne m’explique pas, les cours de droit étaient plus ou moins tous prévus aux mêmes horaires, ce qui rendait le choix extrêmement difficile. Comment choisir entre un cours de droit constitutionnel et un cours de contentieux administratif ? Mon cœur balance et se déchire… Comment choisir ! Après moult hésitations, calculs et combinaisons, j’ai fini par adopter le menu suivant pour le premier semestre :

-Institutions de droit privé : c’était un piège. « institutitions » ne veut pas dire que ce cours traite des institutions. Il s’agit du mot latin « institutiones » qui veut dire les bases, les fondements. C’est le titre du premier manuel de droit romain, voulu et réalisé par l’Empereur Justinien. (j’en sais des choses, vous avez vu ça.) Ce cours est donc un cours d’introduction au droit privé, ce qui me convient parfaitement puisqu’il me donne une vue d’ensemble du droit privé, les clés de compréhension du langage juridique, tous les outils nécessaires à l’exploration de la matière. Excellent choix. Le débit de parole du prof est d’une lenteur soporifique pour les étudiants italien, mais contribue à mon bonheur en me facilitant la compréhension. En plus il écrit les mots latins-juridiques au tableau. Je l’aime.

-Droit pénal romain : ce choix peut surprendre. Je voulais un cours de droit romain, mais impossible d’en choisir un autre, plus général ou plus près de mes préoccupations, tous étaient aux mêmes horaires soit en même temps que mes deux autres cours fondamentaux. Je ne comprends pas grand-chose à ce cours, et je suis incapable de prendre des notes. Madame Pietrini parle trop vite, et surtout avec un trop fort accent toscan (ou accent « hoha-hola », surnommé ainsi par moi car l’accent toscan ignore le « c » placé entre deux voyelles ; « coca-cola » devient donc « hoha-hola ». ça surprend.) et surtout, elle balance à l’occasion des concepts ou citations en latin. Le latin, qui s’écrit comme il se prononce, sauf lorsqu’il est prononcé avec l’accent « hoha-hola » ; c’est un cercle vicieux. Tout ce que je sais, c’est que le droit pénal romain est très violent, il est question de sang et de morts, ce qui rend tout de même la matière intéressante.


-Histoire du droit italien. Le genre de cours qui ne sert à rien lorsqu’il est dispensé par un encravaté qui vous lit son livre. Ce que, vous en conviendrez, vous êtes parfaitement capables de faire seul chez vous. Fort heureusement pour moi, le cours d’histoire du droit italien est dispensé par un professeur qui ne va pas sans rappeler un certain spécialiste de droit constitutionnel bien connu des paliens lillois... Professeur d’âge (très) mûr, Giovanni Minnucci est le président de la faculté, le genre de monsieur sérieux qui refuse de se prendre au sérieux. Celui qui repère tout de suite la petite française au premier rang et qui du coup, fait des efforts d’articulations et appuie ses explications de schémas au tableau, histoire de me faciliter la compréhension alors même que je ne lui ai rien demandé. Celui qui sait rendre vivant des récits autrement poussiéreux, souligner l’intérêt d’un concept, illustrer ses propos d’exemples ou d’anecdotes, qui a des belles cravates. Il me fait des clins d’œil, c’est la classe.

- Droit administratif. Comment s’en passer ? Car certaines, contrairement à d’autres, dorment avec leur GAJA sur la table de chevet, et ont également invité « Hervé » (plus communément appelé Rivero-Waline, R-W) à passer l’année avec elles. Pour ne pas perdre la main, évidemment. Le prof ne fait pas cours, mais il pose des questions, commente et développe des concepts. Lui aussi il a des belles cravates, et même s’il parle vite et avec un fort accent non identifié, j’arrive à participer. Et oui, c’est pas pour frimer mais apparemment c’est nous qu’on a inventé le droit administratif. Certains concepts développés dans le manuel sont en français, et expliqués en italien. Je me marre… Trop facile, surtout que le plus difficile dans l’apprentissage du droit, c’est précisément d’en maîtriser le langage. Les mots ne sont pas substituables, il faut apprendre à manier les expressions ; pour mon plus grand bonheur, je sais déjà parler juridique, et figurez vous que c’est la même chose en italien ; alors que la traduction littérale est généralement déconseillée dans tous les aspects de la vie quotidienne, en droit, ça marche à tous les coups, impeccablement bien. Je jubile.

Au deuxième semestre, on a opté pour Droit constitutionnel italien et comparé, Droit administratif (deuxième semestre, y a pas de raison !) Droit de l’Union Européenne (peut être ma seule chance de goûter au droit communautaire !), Droit du travail (pour le fun et le challenge…) et espagnol parce que j’ai complètement perdu la main et que je veux pouvoir frimer en mettant sur mes CV que je parle français-anglais-italien-espagnol et que j’ai fait neuf ans d’allemand. Ça va bien finir par me servir un jour.

Je vais essayer de reprendre un rythme d’écriture hebdomadaire, histoire de réduire la longueur des mails et donc d’en faciliter la lecture… Mais j’avoue ne passer que TRES peu de temps à la maison ; je mange toujours au resto universitaire (ou "mensa") avec Francesca, sa sœur et des amies, je sors tous les soirs du mercredi au samedi et je passe le plus clair de mon temps en bibliothèque. C’est pas parce que je fais mon Erasmus quatre soirs par semaine de l’apéro jusqu’au bout de la nuit que je me la coule douce le reste du temps ; je suis toujours en mode « Tu bois, t’assumes », et je ne laisse pas la fôôôlie Erasmus empiéter sur mes nombreuses heures de bibliothèque. Je suis en plein fichage-étude de la constitution italienne. J’en entends déjà ricaner certains, d’autres hausser un sourcil incrédule, mais si si si, je bosse. Mieux qu’en France d’ailleurs, parce que la bibliothèque est ouverte de huit heures à vingt-trois heures en semaine et jusqu’à quatorze heures le samedi matin (bon j’ai pas encore réussi à me lever aussi tôt un samedi, mais j’y travaille !). Et quelque chose me dit que le cours de droit constitutionnel italien va être TRES intéressant, à en juger par l’agencement et le contenu de la constitution… Et pis je vais cartonner bien sûr. (soit-dit-en-passant-modestement.)

Je m’arrête là pour aujourd’hui. J’aurais encore beaucoup de choses à raconter, mais c’est bientôt l’heure de l’apéro. Et l’apéro ici, c’est sacré.
C.

Et la vie recommence…

Lundi, 1er octobre 2007.

Une fois passés les premiers temps, où se mélangent excitation et frustration, les habitudes s’installent et la vie recommence. Chronique de jours ordinaires :

Je suis finalement installée. Ma chambre double aux murs nus, au plâtre écailleux, au carrelage design pub Ajax fête des fleurs (AVANT le passage du balai magique) mon armoire en équilibre précaire qui hurle comme le vent sur un cimetière un soir de pleine lune à chaque fois qu’on l’ouvre, le puzzle qui sert de porte de douche et la non-existence de l’isolation de la fenêtre font désormais partie de l’environnement chaleureux et rassurant de mon « chez-moi », au cœur de la contrada de la Louve.

Je suis allée à Rome. Cinq heures de marche sous la cagna, et c’est rien comparé aux 40-45°C de juillet. La guide souffrait rien que de raconter ses descentes quotidiennes sur le Forum, qu’ils surnomment La Vallée de L’Enfer en été. La ville m’a fascinée. Il nous arrive parfois, en passant quelque part, de nous dire « ici, je pourrais bien y vivre. » Rome était comme ça, un de ces endroits où le temps disparaît, où l’espace d’une heure ou d’une journée, on sort de la réalité. Oui, je pourrais bien y vivre.

Le lendemain, escapade d’une toute autre nature puisque lever aux aurores pour aller passer la journée sur une île paradisiaque avec un bus d’Erasmus. Le Gruppo Erasmus de Sienne est très actif (et regorge de beaux gosses polyglottes), nous voilà donc tous partis direction Isola del Giglio : petit port de style très Cubain, très typisch (tuupiche pour les non-germanophones), plage de sable fin, lagune turquoise. Le soleil n’a fait qu’une apparition timide, ce qui arrangeait beaucoup feu-mon coup de soleil sur les paupières à peine résorbé, et qui n’enlevait rien à la beauté du paysage, ni au fun de la journée. Fun, car le très dynamique quintet du groupe erasmus a motivé les troupes pour une partie de « Béret » ou « Bandiera » pour la version originale ; deux équipes, chaque joueur a un numéro, faut être le plus rapide à récupérer le drapeau. Ambiance très colonie de vacances donc, surtout que tout le monde a joué le jeu, même les trois anglaises blondes-l’Oréal maquillées jusqu’aux oreilles en paréo mousseline. Je les charie mais elles sont sympa. (Soyons beau joueur !)

J’alterne entre comportement d’Erasmus qui se respecte et intégration en milieu italien. Le mercredi, c’est soirée Erasmus au Barone Rosso, bar plutôt sympa mais notoirement trop petit dans lequel il est impossible de circuler entre minuit et deux heures. J’ai beaucoup de mal avec la musique italienne, je suis pas fan de leur pop, et les bars jouent beaucoup trop de hip hop à mon goût, mais le mercredi soir, c’est Valério, l’ex-président du groupe Erasmus qui tient le rôle du DJ, et qui le tient bien ; j’ai ma dose de rock music, même si ça manque cruellement de danseurs…
Vendredi soir, c’était la dernière soirée entre étudiants du cours d’italien ; la plupart n’étaient venus à Sienne que pour le cours intensif, et s’en allaient à présent vers d’autres villes d’Italie pour y passer l’année ; on a évidemment échangé nos adresses (je garde notamment celle de l’allemand qui va en Sardaigne, et de la Finlandaise qui va à Venise !). C’était accessoirement l’anniversaire d’un des mexicains, colocs de Salva, un ami espagnol. Du coup, gros bordel chez eux, la voisine du dessus a d’ailleurs balancé un seau d’eau sur la terrasse vers les onze heures. Ces traitres m’ont fait boire du Gallimocho avant de m’avouer que c’était du vin rouge mélangé à du COCA-COLA. Pour ce crime, ils recevront un châtiment d’une cruauté exemplaire. Je réfléchis encore. Après avoir pris conscience que s’ils ne nous jetaient pas dehors tout de suite, ils allaient se retrouver à la rue le jour suivant, les colocs ont pris la bonne décision et nous sommes allés investir la fête de la contrada de l’Oca. Cette contrada a gagné le Palio de juillet, elle fête donc l’événement comme il se doit aussi souvent que ça lui prend. Ce vendredi, toutes les rues de la contrada étaient décorées aux couleurs de la contrada, les gens étaient déguisés, bourrés, joyeux, il y avait des bars et des pistes de danse en plein air tous les deux pas, c’était l’euphorie générale. J’y ai retrouvé un espagnol qui me parlait itagnol avec un accent andaloux… je vous fais pas un dessin. C’est trop facile.

Samedi soir en revanche, soirée italienne, qui a commencé comme il se doit par l’apéritif, au Diacceto. On s’y pointe vers les huit heures, il y a toujours quelqu’un qu’on connaît, on rencontre les amis des amis, on boit un verre de vin rouge ou un mojito en picorant des trucs italiens. (pas cher !!!) J’y retrouve souvent le groupe qui m’avait accueillie le premier soir, le samedi de mon arrivée. Après l’apéro, nous sommes partis à six dîner chez Attilio et Donato, en dehors de Sienne. Ils ont cuisiné un repas banal pour eux, et donc exotique pour moi : un « primo piatto » de « orechiette con cime di rapa e pomodori », je ne sais toujours pas ce que c’est que la « rapa » (ni si ça s’écrit comme ça d’ailleurs) mais c’était très bon, je n’en avais jamais goûté. Après, un « secondo piatto » de poulet au citron avec un « contorno » d’aubergines à la poêle. Entre temps, ils m’ont fait goûter de l’andouilla calabrese (orthographe incertaine), soit une espèce d’andouillette froide très épicée (j’ai beaucoup aimé !) et de la « ricotta forte », que j’ai beaucoup moins aimée parce que ça m’a rappelé un roquefort ayant mal vieilli. Et pour clore le repas bien sûr, un café. Nous sommes retournés à Sienne pour retrouver d’autres amis, que je n’avais pas revu depuis plusieurs semaines. J’ai fait des sacrés progrès en italien, ça en a surpris plus d’un. Faut dire qu’une C. qui parle donne le change de celle qui était, il y a quelques semaines de ça, infoutue d’aligner sujet-verbe-complément dans leur langue. J’ai encore un peu de mal à les comprendre, mais c’est leur faute ils viennent tous de différentes régions d’Italie avec différents accents, ce qui rend d’une part, la compréhension difficile, et d’autre part, m’empêche d’attraper l’accent, étant donné que j’en entend 5 différents par jour (Siciliano, Pugliese, Sarda, toscano, italiano.) Préférence pour la Sarde qui parle lentement en articulant. Je l’aime.


À l’heure où je termine ce compte rendu épique, nous sommes mercredi, soit le jour de la soirée erasmus, thème « chapeaux et lunettes ». Je regrette de ne pas pouvoir partager tous ces moments en images, mais mon appareil photo a définitivement rendu l’âme, après une longue agonie. Et j’ai la flemme de me faire envoyer par mail les photos que les autres ont pris. Les anglaises sont sur Facebook, je m’y ferais tager si je les y trouve.

Au prochain épisode : rentrée universitaire…

C.




Un giorno nell’ paradiso

Lundi, 17 septembre 2007.

Et voilà, deux semaines ont passé, et je ne sais déjà plus par quoi commencer… La frustration se dissipe à mesure que je progresse en italien. Je ne connais toujours pas assez de mots pour satisfaire mon habituel besoin de communication, mais les progrès sont visibles, ce qui est encourageant, je progresse plus rapidement que mes camarades étrangers, ce qui est stimulant, et on me dit que je parle bien et que je prends bien l’accent, ce qui est profondément soulageant. Je suis sur la bonne voie, je n’ai plus qu’à m’accrocher à Patience et Persévérance…

La semaine dernière, nous avions, en plus des quatre heures de grammaire de la matinée, deux heures et demi de cours « libre » avec une autre prof, laquelle était positivement frappée, et entre frappées, on se comprend. Nous avons eu droit, entres autres, à un cours de langue italienne « avec les mains ». Et oui, les nombreux gestes qui ponctuent le discours italien ne sont pas de vains brassements d’airs, mais ont chacun une signification précise. Je pensais qu’elle se moquait un peu de nous, mais l’éminent professeur Falassi, qui nous a dispensé aujourd’hui un cours de culture générale intitulé : « L’identita italiana : le tradizione in prospectiva antropologica », nous a distribué une fiche des principaux gestes italiens, et nous a passé un très sérieux film didactique sur le sujet. J’avais effectivement observé la plupart de ces gestes lors de mes « conversations » avec des autochtones (ils conversent et j’écoute…). C’est pas une blague, ils parlent VRAIMENT comme ça. Et moi aussi bientôt, parce que c’est plus facile que de conjuguer « avoir » au subjonctif imparfait. Comme si je ne gesticulais pas suffisamment en parlant...

Francesca (qui était erasmus à Lille l’année dernière, et qui m’a aidée pour tout à Sienne) est rentrée de France pour finir ses études à Sienne, et son retour m’a permis d’accélérer mon immersion. Je côtoie de moins en moins les erasmus et de plus en plus les « vrais » italiens, ceux qui interrompent ma tentative de phrase complexe pour me dire que j’ai des yeux magnifiques. Ils sont mignons. En plus, ils trouvent que le français est une langue trop sexy, donc il est inutile de savoir parler l’italien pour choper de l’italien. Note pour plus tard. (Papa, maman, Julia : je plaisante bien sûr.)


Ce samedi, l’università per stranieri nous a emmenés en promenade en Toscane. Au programme : Montepulciano, Pienza, et Bagno Vignone. Ça ne vous dit peut être rien, mais ce sont trois petits villages, trois petites merveilles posées sur une colline de la campagne toscane. De Pienza, il y avait une vue époustouflante, et le village était d’un romantisme enivrant ; les ruelles serpentant entre les maisons médiévales de couleur ocre aux balcons fleurissants s’appelaient toutes « rue de l’amour », « rue de l’éternité » , « obscurité complice », « place des amants », etc etc… C’était encore plus beau en italien mais mes souvenirs sont un peu flous. L’église de Pienza est construite sur une colline en roche très friable, ce qui fait que comme la tour de Pise, cette église penche doucement dans le vide. Il y a des fissures sur les murs et le sol à l’intérieur, et on sent vraiment l’édifice tomber vers l’avant. Il y a des sondes dans les murs pour suivre tout ça. C’est assez impressionnant. Bagno Vignone est la station thermale où se rendait Sainte Catherine de Sienne. Il y a une source d’eau chaude autrefois à 55°C, aujourd’hui à 30°C seulement, et des piscines naturelles ouvertes au public. Du haut de la collline, la vue était, une fois encore, indescriptible. Je vais vraiment m’installer en Toscane, quelque part dans la campagne. C’est magnifique. Je cherche les mots, mais tout ce qui me vient ce sont les images de ce jour, ces étendues de vert, d’ocre, et de bleu d’un ciel sans nuage.

Dimanche avait mal commencé. Avec ma coloc' finlandaise Tiina, sa compatriote Hannah, et Thibaut qui était venu passer quelques jours à Sienne, nous avions décidé d’aller à la plage. Après le passable mois de novembre de trois mois qui nous avait servi d’été en France, je rêvais de me prélasser sur le sable, en écoutant le clapotis des vagues. Vous savez, ce petit bruit envoûtant que fait la houle en s’écrasant sur le sable…ohhhhh oui… Après avoir vérifié, revérifié les horaires de bus, nous avions mis nos réveils à sept heures, soit terriblement trop tôt pour un dimanche matin (ie, un lendemain de samedi soir...) Nous arrivons au guichet de la station de bus sous une grisaille matinale peu encourageante, tout prêts à affronter l’amabilité de la guichetière. C’était pas la même que la dernière fois, mais j’ai bien reconnu sa gentillesse démesurée dans sa terrible réponse à notre requête ; le bus pour aller à la mer, « non c’è ». (« nonne-tché » = il n’y a pas.) La cruauté est dans le laconisme. Salope. Nous insistons, poliment, dans notre italien Assimil, mais si, c’est marqué – oui mais il n’y plus cette ligne après le 15 septembre – m’enfin vous desservez toujours les villes côtières non ? etc… après un quart d’heure de palabres épuisantes, nous réussissons à extraire la précieuse information : IL Y A un bus qui arrive à une plage, mais il faut faire un changement, et elle ne sait rien nous dire. Une heure de bus plus tard, nous arrivons dans une station glauque sous une épaisse couche de nuages, et je me dis que décidément , cette journée sent le mauvais plan, mauvais plan, mauvais plan… D’instinct, nous nous ruons vers l’unique bus présent dans la station, lequel affiche une destination « marina da sole » ce qui sonne bien comme un nom de plage. Le chauffeur, autrement plus chaleureux que les pétasses du guichet à Sienne, nous rassure immédiatement. ON VA A LA PLAGE. En plus, c’est pas loin. Et vingt minutes plus tard, nous descendons effectivement à quelques mètres d’une plage de sable noir, baignée de quelques rayons de soleil qui percent à travers la couche de nuages. Laquelle commencent à se dissoudre…et en moins d’une heure, nous étions doigts de pieds en éventails au bord d’une eau turquoise. LE PARADIS. Après trois mois de stage en hiver, une vraie journée d’été, une vraie journée de vacances, quelques heures de far niente sur une plage du paradis. Soulagement, félicité, que vous dire ! C’était une journée en or. En quelques heures, le plan foireux était passé au rang de hold up de l’année ; la plage pour nous tous seuls, un soleil d’acier tandis qu’il pleuvait sur Pise et faisait gris sur Sienne. Moi qui était d’une pâleur maladive, j’arbore à présent un teint caramel tout à fait digne des italiennes. J’ai cependant réussi à prendre un coup de soleil sur les paupières, ce qui doit être un record je pense. Du coup au réveil ce matin, j’avais les yeux enflés d’un crapeau, et j’y voyais plus. Peu importe, ça en valait la peine. Mes yeux ont désenflés à coup de glace et de crème hydratante, et on dirait maintenant que je porte de l’ombre à paupière rose-rouge, mais j’ai l’habitude du ridicule, mal inoffensif. J’ai passé une journée de rêve au paradis.

Je m’apprête à affronter une semaine rude : tous les soirs, cours de culture générale italienne avec l’éminent professeur Falassi, et les intitulés sont aussi attractifs que celui cité plus haut. Le point positif, c’est que je comprends ce qu’il raconte et que j’arrive à prendre des notes en même temps, ce qui est de très bonne augure pour le début des cours en octobre.

Merci pour les nouvelles de tous, je vous lis des quatre coins du monde et je constate qu’on vit tous une expérience « de ouf ». La vie semble incroyablement moins réelle ici, sans repères, sans habitudes, sans visages ni présences connus. Notre vie continue quelque part, sans nous, alors que nous sommes en vacances…quelque part au paradis.

La suite à suivre, en direct de la dimension parallèle « 3A ».

C.

Frustration, football et conjugaisons.

Dimanche 9 septembre 2007.
Ma première semaine à Sienne s’achève, et la frénésie des premiers jours a très vite laissé place à une frustration intense, de celles qui rendent fou. Voilà une semaine que je suis murée dans le silence, muette d’ignorance et sourde d’incompréhension. Je ne parle pas l’italien. Je le lis, maladroitement. Je l’écris, avec le dictionnaire dans la main gauche et le Bled de conjugaison dans la main droite. Après une semaine de cours intensifs, soit quatre heures par jour ces quatre derniers jours, durant lesquels "nous mangeons la pizza" à tous les temps de l’indicatif, je sais faire des phrases simples, et je m’exprime comme un enfant de quatre ans, en sujet-verbe-complément. Certains d’entre vous sont dans le même cas (voire pire !) d’autres l’ont été, vous savez de quoi je parle. Ça me rend folle, ce silence, moi qui d’ordinaire fatigue mon entourage à force de parler. Ça m’épuise de mobiliser une telle concentration pour arriver à comprendre et à répondre sommairement aux requêtes les plus élémentaires de la vie quotidienne ; tu manges avec nous ce midi ? Tu as besoin de la salle de bain ? A quelle heure tu rentres ? Comment s’est passée ta journée ? La réponse à ces questions anodines me demande autant d’efforts que l’ascension d’un dénivelé de deux cents mètres. J’essaie de canaliser cette frustration comme je peux, j’essaie de faire rentrer un maximum de mots en regardant la télé, attrapant au passage quelques mots de vocabulaire familier, je lis le dictionnaire, je me récite les conjugaisons… J’essaie au maximum de ne pas plonger vers la solution de facilité : passer le plus clair de mon temps avec les Erasmus qui vivent la même situation ; d’aller parler anglais avec eux, d’étancher ma soif de paroles dans une langue familière, amie. Mais non, je reste avec les italiens, qui parlent vite, avec une aisance insolente. En fin de journée, ce bruit devient une véritable agression, une intrusion violente dans cet étouffant espace de silence : condamnée, toujours, à hocher la tête, en souriant (quand même !) et repousser un peu plus profondément une nouvelle vague de frustration…


Du côté des bonnes nouvelles, j’ai trouvé la coloc’ idéale. Je suis au centre du centre du centre, à moins de cinq minutes de marche de tout ce qui importe :
la piazza del campo, le Bar de ouf ou il y a buffet « d’italianneries » pour l’apéro (« antipasti »), la piazza gramscie d’où partent les bus, et du supermarché « locaux ». Je précise « locaux » par opposition à « touristes ». Faire ses achats à Sienne est en effet comme marcher à travers un champ de mines : le but étant d’éviter les boutiques « touristes », où les prix pratiqués font pâlir. Il faut donc être extrêmement prudent, car l’autochtone n’est pas très prompt à te diriger vers sa boutique à lui lorsque tu l’adresses dans un italien hésitant, doublé d’un fort accent étranger. L’accueil peut aller de correct à carrément méprisant. La dame du point informations de la station de bus détenant actuellement la palme d’or de la non-amabilité. Alors que je lui ai poliment demandé à quelle heure partait le prochain bus pour aller à la plage, et quel était le nom de la station balnéaire la plus proche (le tout avec un parfait usage du conditionnel, poli et tout et tout) m’a répondu à une vitesse indécente sans lever les yeux. Elle a tout de même daigné m’adresser un regard débordant d’exaspération quand je lui ai demandé de m’écrire le nom de la ville. Parce que « castiglione della pescava », ne lui en déplaise, c’est un peu plus compliqué que « Roma » ou « Lucca ». Salope. Le « tour-racisme » est perceptible.

Je vis donc au dernier étage d’une résidence à l’allure médiévale, comme le sont également les installations sanitaires : prendre une douche est un exercice requérant patience, souplesse, agilité, mais aussi un mental d'acier. Je me demande simplement si la machine à laver peut effectivement laver à 40°C comme elle l'indique ; par principe, je vais laver à froid. Je ne supporte pas l'idée que mon linge ait droit à 1h d'eau chaude quand je n'ai pas le droit à plus de 2 min ininterrompues. A part ces quelques désagréments, l’appart est super, la cuisine est équipée comme je l’aime, et les colocs sont super sympa ; Letizia, 22 ans et Sara, 29 ans sont italiennes et ne parlent que l’italien, ce qui rend la communication hésitante et la vie quotidienne…amusante… Je partage une chambre double (c’est courant en Italie) avec Tiina, finlandaise qui parle couramment l’italien. Toutes les trois sont fort sympathiques, et extrêmement patientes avec moi, bien plus que je ne le suis avec moi-même.

Vendredi soir a eu lieu la première soirée organisée par le groupe Erasmus de Sienne, ce qui m’a permis de découvrir la discothèque italienne… Après 20min de bus, nous débarquons à l’Essenza, immense boite au milieu de nulle part. La soirée a plutôt mal commencé ; je me suis approchée du bar pour lire l’unique affiche : « alcool : 8€ ; sans alcool : 5€ » (je traduis.) Bon, finalement, j’ai pas soif. Le jeu a ensuite consisté à regarder les Erasmus s’approcher un à un du bar, lire l’affiche, puis venir nous rejoindre sur les banquettes, moitié exaspérés moitié hilares. Heureusement, le Groupe Erasmus a la classe, et nous a tous payé un coup, et deux « vodka-lemone » plus tard, j’étais dans l’état que vous imaginez. Figurez vous que je parle vachement mieux l’italien quand je suis un peu pompette, je vais remettre ça plus souvent.
La bonne surprise c’est que la boite est NON FUMEUR à l’intérieur, donc je n’ai pas chopé de bronchite, ni de brûlures de cigarettes, ce qui achève de rendre le bilan de cette soirée positif. Eh oui, les restaurants et les bars aussi (me semble-t-il) sont non fumeurs, les gens sortent pour en griller une. Vivement février 2008.

Samedi matin, nous sommes allés en visite organisée à San Giminiano, à une petite heure en bus. Temps magnifique (c’est encore l’été ici bien sûr). J’avais déjà visité ce village médiéval il y a quelques années, mais par 40°C, nous ne nous étions pas attardés. La visite guidée m’a laissée sans voix. Non que cette absence de dialogue ait été remarquée, mais ce silence-ci était différent. Il n’y a tout simplement pas de mots pour décrire cet endroit. Tout est si bien conservé, que d’apercevoir du linge qui sèche à une terrasse, ou de croiser une vieille avec son cabas, est frappant comme un anachronisme ; on s’y croirait. San Giminiano fait passer Carcassonne et Rocamadour pour Disney Land – un parc d’attraction. Au cours de la visite, nous avons croisé un mariage, et vu les mariés descendre de la chapelle par un escalier de pierre. Encore un anachronisme dans ce décor médiéval. C’était beau. Tout dans ce village était beau. Il n’y a pas de meilleur mot.


Samedi soir, bien sûr, c’était le décevant France-Italie, occasion manquée de prendre notre revanche sur le mondial… Même si d’un point de vue très personnel, je suis plutôt soulagée que la France n’ait pas battue la Squadra ; le foot occupe ici autant d’importance que Sarkozy dans les médias français. Je me suis pris quelques « coupe du monde 2006 ! », mais à la réponse « Euro 2000 !!! », le sujet était clos. On ne plaisante pas avec le foot !

J’ai passé mon dimanche à essayer d’apprendre par cœur le dictionnaire, histoire de canaliser ma frustration dans une activité productive. Je fais des duels de conjugaison avec une allemande et une portugaise (je mène !) et je regarde un jeu télévisé genre « Qui est qui » histoire d’enrichir mon vocabulaire des métiers. C’est difficile, au-delà de ce que j’imaginais. Non pas tellement la langue, qui est très proche du français, mais le sentiment d’être abrutie, muette. Voyons le côté positif, je fais de très grands progrès en mime. Ma carrière théâtrale est plus que jamais relancée !


C.

Il cielo è sempre più blù...

Dimanche 2 septembre 2007.




Jour 1 ici à Sienne. La mission n°1 s’est déroulée sans encombres, bien que la partie ferroviaire du voyage ait été mouvementée… Les trains italiens sont taquins. Ils s’arrêtent au beau milieu des voies pendant 20 minutes sans raison apparente, à plusieurs reprises. Ils s’arrêtent à bien plus de stations qu’initialement indiquées, et semblent montrer un mépris total des horaires annoncés. Soit. J’ai su bravement demander mon chemin à plusieurs reprises, et arriver à bon port, ma foi, lorsque le train a daigné y arriver.


Mon comité d’accueil m’attendait sur le quai : Ennio, un ami de Francesca qui a généreusement accepté de m’héberger le temps que j’accomplisse la mission n°2 (recherche d'appartement), et je lui en suis très reconnaissante.


La gare est à l’extérieur de la ville, et c’est en voiture que j’ai été acheminée au centre. Sandro, un ami d’Ennio, était au volant, et n’a pas manqué de me faire apprécier le temps d’un trajet la conduite à l’italienne, si particulière. C’est fou le nombre d’endroits à priori trop étroits où ces gens arrivent à faire passer une voiture. Et à une vitesse indécente, qui plus est. Je suis admirative vraiment.


Une fois les bagages déchargés chez Ennio, en route pour la soirée ; nous allons rejoindre Barbara, la sœur d’Ennio et un groupe d’amis, parmi lesquels Valerio, président du groupe Erasmus, pour aller dîner quelque part.


La ville est divisée en « Contrada », ou quartiers, et ce sont ces « contrade » qui s’affrontent chaque année le 2 juillet et le 16 août lors de la célèbre course du Palio. Ennio m’explique que de mai à septembre, à tour de rôle chaque contrada organise des fêtes sur son territoire, et que nous allons précisément à une de ces fêtes. Effectivement, sous la porte « cami-quelquechose », un DJ teste son matériel pendant que des serveurs s’affairent autour d’immenses tables dressées au milieu de la place. Ambiance repas champêtre donc. Considérant la foule, et le fait que nous étions « étrangers » à cette contrada, nos chances de s’asseoir à une table étaient minces. Nous avons donc battu en retraite dans un petit resto fort sympathique quelques rues plus haut. Le repas fut extrêmement convivial, et j’essayais tant bien que mal de suivre les conversations auxquelles je ne pouvais guère participer autrement qu’en hochant la tête ou en riant, étant incapable d’aligner 3 mots. J’arrivais à saisir l’essentiel de ce qui se disait MAIS QU’EST-CE QU’ILS PARLENT VITE PUTAIN ! Le resto, c’est pas cher pour moi. La viande et les légumes sont servis et comptabilisés en plats séparés, ce qui me permet de ne pas payer la viande que je ne mange pas. Du coup, les plats sont pas chers, puisqu’ils ne sont « pas complets ». J’ai pris les « canellonis fatte in casa con spinaci e ricotta. » Vous vous en fichez royalement, mais c’est pour faire saliver certains, et frimer un peu en casant 3 mots en italien pour le style. Ils ont essayé de me faire manger un truc appelé « fée-gateaux » (feggato sans doute) mais mes talents de linguiste chevronnée m’ont permis d’identifier la substance comme étant du foie. Je m’en suis donc tenue aux assortiments de fromages servis en entrée. Je sens, JE SENS que je vais bien me plaire ici.


Après le dîner, nous sommes retournés à la porte Cami-chose (camiglione ?) afin de rejoindre la fête. Les tables avaient été enlevées et la place transformée en dancefloor. C’était vraiment sympa, cette ambiance. Il y avait vraiment des gens de tous les âges, de 12 à quarante ans passés. Mais la perfection de cette soirée fut quelque peu atténuée par une découverte cinglante : Les italiennes.
Les italiennes font en moyenne une taille 34. Déjà, c’est vexant. Ensuite, elles arborent sans pudeur tout un panel de décolletés mettant en valeur leur poitrine (qu’elles ont généreuse.) Sinon, c’est leur dos qui est offert à la vue de tous, des épaules à la courbe des reins (qu’elles ont généreuse aussi.) Elles semblent toutes sorties d’un magazine de mode, mais pas au sens péjoratif ; elles ont le teint parfait, et ne se fardent pas à outrance (à mon grand regret.) Grands yeux et lèvres pulpeuses sont ainsi rehaussés d’un simple trait d’eyeliner ou d’un gloss naturel. Elles semblent n’avoir aucun complexe lorsqu’elles se déhanchent férocement sur la piste, chaque centimètre carré de peau qu’elles exhibent d’un ton délicatement caramel et rageusement uniforme. La compétition va être rude. Ohhhh oui ça va pas être facile toussa. En plus, en plus, elles ont toujours le sourire aux lèvres, et elles sont sympa. Je peux même pas les détester. C’est dur là putain.


Les italiens, à première vue, il y en de toutes les tailles ; de 1m60 jusqu’au-delà du mètre 90. L’italien semble coquet, tendance trahie par la diversité des coiffures, et le soin manifeste apporté à leur confection. Beaucoup portent la barbe, même courte, mais travaillée comme une œuvre d’art. Même si la barbe est un critère éliminatoire en ce qui me concerne, je sais reconnaître et apprécier la création artistique. Même l’abstrait ; mais bon, j’ai du mal…
Au niveau vestimentaire, on arbore le petit T-shirt moulant, carré aux épaules. Si c’est la chemise, on laisse ouvert les 2-3 boutons de rigueur style « tombeur ». Ils sont mignons. En ce qui concerne les non-barbus, on va pouvoir s’entendre je pense. D’autant que l’italien sait bouger son corps en miuzik et il sait enchaîner les pas de la salsa sur les rythmes trompeurs des airs latinos endiablés. Ça promet.

La pop italienne ne m’a pas convaincue. Mais pas du tout !

Au retour, arrêt une petite heure au Barone Rosso, le bar de la soirée Erasmus hebdomadaire, pour retrouver Valerio. Tentative de rock accro’ avec Attilio, mais j’ai décidé d’attendre de parler l’italien avant de reconduire l’expérience. Il faut dire que malgré mes « LET GO OF THE LEGS ! » répétés, il ne lâchait PAS mes jambes, et demandait à Barbara de lui traduire ce que je disais. Laquelle était, évidemment, secouée d’un fou rire hystérique.


C’est une batterie de tambours qui m’a réveillée ce matin. Rien d’étonnant après six heures de voyage, une soirée prolongée, et un vin rouge douteux. Mais le bruit s’intensifiant, j’ai fini par réaliser que le bruit ne venait pas de mon crâne mais de mes fenêtres. 4 étages plus bas, dans la rue, des hommes en tenues médiévale aux couleurs noires et blanches (et en collant, arf !) défilaient en battant des tambours, ou en agitant un drapeau noir, blanc et orange. Quand je lis dans un article du Point que la ville « vit au rythme du Palio », je ne pensais pas que les contrada ennemies venaient LITTERALEMENT vous tirer du lit un dimanche matin. (ben voui, ma contrada on a un drapeau vert et rouge.) J’ai regardé l’étonnant défilé, clôturé par un petit paquet « d’officiels », puisqu’ils étaient en costume cravate et non en collants noirs et blancs. Ce tintamarre a bien duré une heure. La matinée a également été rythmée du son de différents clochers. Sienne est une ville médiévale, les rues sont étroites et fermées, la résonance est impressionnante...

Sienne est une ville magnifique, et très bien conservée. Je n’avais gardé souvenir que de la piazza del campo, mais les promenades nocturnes d’hier m’ont fait découvrir une ville d’une beauté à couper le souffle. C’est un voyage dans le temps, et hors du temps. C’est un autre monde ici, un autre rythme. On n’est pas pressé (sauf en voiture.) Les gens marchent doucement. Tout est promenade, détente.

Hier matin, en quittant ma chambre, je me suis séparée d’un ami très cher, un ami qui m’avait accompagnée chaque jour de cet été à Lille. Mon parapluie. Ça m’a fait quelque chose de le laisser derrière moi, mais il faut bien reconnaître qu’il n’est pas adapté à ce nouvel environnement. Hier soir, avant de partir pour la soirée, alors que je m’apprêtais à passer ma petite laine (tout de même, il est tard !) Ennio m’a dit « oh you won’t need that. It’s warm out there. »

J’aime cet endroit. C’est l’été, c’est les vacances.

C.


PS : midi et quart. Les tambours reprennent. Apparemment là c’est nous qui partons en représailles chez les autres.