mercredi 29 avril 2009

Sueurs froides

Juste une petite archive sortie des cartons... Juillet 2007.... hihihihi!!!!


« Il fait une chaleur étouffante aujourd’hui », pense la jeune secrétaire de mairie en regardant, l’air rêveur, le ciel d’acier. La salle d’accueil est déserte. A cette heure-ci, on franchit rarement le seuil de la mairie, les gens travaillent. C’est plutôt calme, l’après midi. De son index, elle remonte ses lunettes sur son nez, et se remet à taper. Elle doit finir de mettre en forme le compte rendu du dernier conseil municipal. Dans cette petite commune de moins de mille habitants, les conseils sont vites expédiés, sans opposition, et sans véritable enjeu. Le téléphone a sonné deux fois dans l’après midi. Un fois, c’était monsieur le maire pour dire qu’il passera vers 16h pour signer les documents. La deuxième, c’était Alice, la vieille dame qui la croise tous les matins quand elle promène ses caniches.

« l’an deux mille sept, le 7 juin, le conseil municipal de la commune de … S’est réuni dans le lieu ordinaire de ses séances sous la présidence de Monsieur …. Maire.

Présents : »

Mmmh. La liste d’émargement. Elle pousse un soupir, puis se lève et se dirige vers les étagères au fond de la salle. « Ah ! liste d’émargement. ».

Et c’est à ce moment là qu’elle l’entendit.


Elle n’a pas reconnu le bruit tout de suite, mais elle a senti que quelque chose n’allait pas. Après tout, cela ne faisait que quelques semaines que la mairie avait été équipée d’un fax, et elle n’avait pas eu véritablement l’occasion de s’en servir depuis. Secrétaire en mairie d’une petite commune, c’était calme.

La machine vibre et s’excite en crachotant une feuille de papier. A mesure qu’elle libère la lettre, la secrétaire sent la panique monter ; elle a reconnu l’entête de la préfecture. Elle espère que ses yeux lui jouent un tour. Ce n’est pas possible, pas ici !


Elle repense à ce jeune conseiller juridique qui était venu, il y a quelques mois de cela, proposer ses services à la mairie. « A cause du contrôle de légalité », avait-il dit, « pour se protéger. Vous ne voulez pas qu’ils vous envoient un recours. » Les conseillers municipaux avait doucement ri ; 30 ans qu’ils sont élus, c’est pas un jeune blanc bec qui va leur faire peur avec ces histoires à dormir debout ! Ca se saurait si l’Etat se mêlait de contrôler les actes du conseil municipal, par l’intermédiaire d’agents fourbes et assoiffés de zèle, harcelant le préfet afin qu’il défère les actes desdites communes.

On ne l’avait pas cru.


Tout de même, ce fax. D’une main hésitante, elle saisit la missive préfectorale. Tout y est. Des articles du Code sont visés, et même cités. Et surtout, à la fin, au dessus de la signature du secrétaire général, la fameuse mention, celle contre laquelle le jeune homme les avait mis en garde.


« vous voudrez bien procéder au retrait de l’acte dans le délai de deux mois qui m’est imparti pour le déférer devant la juridiction administrative et faire réexaminer le dossier en tenant compte des observations formulées. »


elle n’y croit pas… pas eux ! Pas ici ! Il est 17h. La porte s’ouvre, et Monsieur le Maire, joviale, la salue chaleureusement.

« Bonsoir Jeannine ! Du neuf ? »

Debout au milieu de la salle, Jeannine lui tend la lettre d’une main tremblante, sans un mot.


Il est 17h. Quelque part, en préfecture, un jeune contrôleur agrafe soigneusement un recours gracieux fraîchement faxé aux pièces du dossier, un sourire aux lèvres.


Il les avait prévenus.

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