lundi 3 décembre 2007

La semaine de tous les excès...

Après l’effort, le réconfort, ce premier examen en italien a donc servi de prétexte et marqué le coup d’envoi d’un « semaine de tous les excès » dans les règles de l’art. Ce concept très personnel mérite une présentation rapide ; la vie étudiante requiert une certaine discipline (bien qu’à degrés variables selon les individus) – il y a des contraintes, c’est un fait. Et pour l’individu lambda, un peu fainéant, un peu têtu (remplacer « un peu » par « très » pour un descriptif de la situation applicable à mon cas), se plier aux nombreuses contraintes de la vie quotidienne serait encore possible s’il ne fallait pas mobiliser la même énergie pour résister aux tentations faciles ; paresse, gourmandise, etc… Et comme le disait très justement Oscar Wilde, « le seul moyen de se délivrer de la tentation c’est d’y céder » ; il me fallait un moyen efficace pour équilibrer contraintes et détente. Ce fût chose faite grâce à l’invention de la « semaine de tous les excès », dont le principe est fort simple : aucune contrainte n’est admise. L’Envie est seule apte à dicter les programmes, les menus, les activités. AUCUNE contrainte. Il est par exemple interdit de faire sonner un réveil ; on peut laisser le téléphone éteint et NE PAS relever ses mails. L’urgence est remise à plus tard. Il est interdit de faire des « to do-list ». Et cela pour une durée indéterminée, allant de vingt-quatre heures à une semaine. Il n’est guère possible de vivre ainsi plus longtemps, les contraintes ont la sale manie de vous rattraper d’une façon ou d’une autre, ces fâcheuses. Qu’importe, l’espace de quelques jours, on peut savourer la douceur de la paresse, défier l’ordre établi, jusqu’aux aiguilles de l’horloge, que je gratifie de ma plus profonde indifférence ces jours-ci : il est l’heure de n’en faire qu’à ma tête, « et pis c’est tout ». Et le tout sans l’ombre d’un soupçon de culpabilité : on ne s’autorise une « semaine de tous les excès » qu’en récompense pour un travail achevé, ou en dernier recours en cas de surchauffe nerveuse et cérébrale, avant pétage de plombs total. (formule bien plus souvent optée que la première, malheureusement.)

Je me suis donc laissée aller depuis mardi soir au far niente le plus complet, et j'ai enchaîné soirée sur soirée. Mercredi, la traditionnelle « Erasmus » au Barone Rosso. Jeudi soir, on a testé « le Joker », la discothèque privilégiée des étudiants en droit, ils y ont leur soirée chaque semaine, la « Giovediamoci ». J’ai VRAIMENT du mal avec la musique italienne… ça manque cruellement de rock. Ça ne se danse pas. J’ai profité de cette semaine de soirées intensives pour résoudre une incompréhension fondamentale qui régnait entre les italiens et moi. En France, je danse le rock, au club ISEN de Lille. Étant complètement fanatique et pas timide pour deux sous, je n’hésite pas à inviter ces messieurs dès que résonnent les premières notes d’un rock ‘n roll digne de ce nom. En règle générale, il est même possible d’enchaîner plusieurs danses avec le même cavalier sans que naisse le moindre malentendu. Par ailleurs, la rareté des danseurs m’a obligée à développer un instinct de chasseur hors du commun : à proximité d’un dancefloor, j’observe, à l’affût de celui qui se trahira en enchaînant devant mes yeux quelques passes connues ; à la seconde où il lâche sa cavalière, j’interviens. « -salut ! tu danses ? ». Rapide et indolore.

En Italie, j’ai dû me rendre à une douloureuse évidence : le rock n’est pas tendance. (Pauvres fous !) Par ailleurs, inviter un inconnu à danser ne se traduit pas de la même façon en italien… Sachant qu’en italien, croiser un regard veut dire « tu me plais », je vous laisse imaginer comment un « salut ! tu danses ? » peut bien être interprété… J’ai voulu vérifier ma théorie auprès d’amis italiens ; j’ai abordé le sujet à la cantine, regrettant leur incapacité à mener un rock. « en France j’ai l’habitude de faire le tour de la boîte et de danser avec une douzaine de personnes différentes ! ». Leur réaction à cette révélation fut sans équivoque : ils m’ont dévisagée, yeux écarquillées autant que faire se peut, avant d’éclater de rire. Comme à chaque fois que le choc culturel me rattrape, je m’en remets à Francesca, mon guide, mon mentor, mon ange gardien. « Oui alors en Italie, si tu invites un mec à danser c’est que tu es très très intéressée par lui !!! ». J’en étais déjà arrivée à cette conclusion. Bande de nazes. Quelle manque de classe, vraiment !

Donc on ne danse pas. Et on ne boit pas non plus ! Si notre statut « Erasmus » nous permet d’entrer gratuitement à certaines soirées (et fort heureusement d’ailleurs !) il ne nous procure guère de réductions sur les consommations. En général, quand on me demande si je veux boire quelque chose, j’interroge mes poches, lesquelles me répondent souvent « nope ! Pas ce soir. » Même le Cambio, pourtant réputé être un bar « de gauche » pratique des tarifs de droite (décomplexée.) C’est un scandale. Qu’on me rende une soirée BDE-BDS – bière à 2€ !

Mais il en faut plus pour nous empêcher de fêter dignement ce premier examen (notez la résurgence du prétexte !) Francesca avait effectivement passé cette épreuve en même temps que moi ; c’était son dernier examen, qu’elle a mis derrière elle en récoltant « trenta », soit la note maximale – un exploit à l’examen de droit administratif, elle fut d’ailleurs la seule à obtenir une telle note lors de cette session. Nous avons donc célébré l’événement autour d’un dîner à l’italienne, a casa mia. Pizza, focace, plateau de charcuterie incluant différentes sortes de prosciutto, formaggio, etc… Le tout avec un Prosecco en apéritif, et vin rouge pour accompagner le repas. Que dire de ces heures de détente, de vacances, de ces moments d’une simplicité dérisoire, mais d’une valeur inestimable ? C’est ce que j’aime en Italie. Au milieu du stress des épreuves, au beau milieu du froid de l’hiver, les vacances vous rattrapent. Que ce soit pour quelques minutes, un instant ou quelques heures, la chaleur des rires et la couleur du vin vous arrachent au quotidien. La félicité le temps d’un repas entre filles, des conversations légères, dont le seul intérêt est de vous emmener loin du reste. Sérénité est le maître mot de cette vie « sans soucis ».

Je termine cette lettre en toute hâte. Une semaine s’est écoulée depuis « la reprise », et quelle semaine… Je reviens de trois jours à Venise, la tête bouillante de souvenir, qu’il me tarde de partager.

À bientôt

C.









Aucun commentaire: