mercredi 31 décembre 2008

Photo Finish... Résolutions 2009

Ouf, il s’en est fallu de peu… L’année s’achève, et à l’heure du bilan, je l’ai échappé belle !

J’avais ambitieusement décrété que l’année 2008 serait « l’année du choix », et placé en tête de mes bonnes résolutions celle de choisir une voie à suivre après la quatrième année. N’ayant pas avancé d’un iota dans mes réflexions quand se pointa juillet, je commençais à avoir des sueurs froides quand vint finir septembre… Je m’accrochais à une suggestion fort opportune d’un proche (auquel je confère une autorité morale) comme on s’accroche à une bouée de sauvetage. Oui ! Par ici ! Je me noie ! Deux mois de réflexions supplémentaires m’auront permis d’opter pour cette solution. A la mi-décembre ! Résolution tenue. Décision prise. C’est évidemment à l’aune de cette nouvelle donne que je m’apprête à prendre des résolutions pour l’année 2009.


Mais avant, il convient bien entendu de faire le bilan de l’année achevée. Dieu que ces quelques lignes seront bien insuffisantes à rendre justice à cette année extraordinaire. 2008, c’était tout d’abord Nouvel An à une table sicilienne, une expérience unique et inoubliable. 2008, c’était le carnaval à Venise, et surtout, à Vérone. C’était un printemps à l’université de Sienne, un springbreak en Calabre, un week end à Rome, et Pâques en Sicile, avec ses processions des fêtes saintes et sa gastronomie divine (pour les papilles !). 2008, c’était Sienne, ses contrade, son Palio. Indescriptible jour d’euphorie et de tristesse. 2008, c’était la cour des grands à la rentrée, le club des blasés dépressifs. Mais c’était aussi Madrid (on a vu Roger Federer) et Paris. 2008 est passée si vite, et pourtant, elle fut bien remplie. Une année où pas un jour ne fut perdu. Et d’ailleurs, j’ai été bonne élève en 2008, si l’on se reporte aux résolutions prises :

Outre le choix de carrière (n#5), j’ai également, enfin et pour la première fois, réussi à tenir la n#7 : étudier REGULIEREMENT ! Il m’aura fallu plus de dix ans, mais ça y est, le concept de l’organisation personnelle, j’ai adopté. Et avec succès ! J’en veux pour preuve la réussite de mon premier semestre presque achevé (partiels mardi !). Je n’y aurais pas survécu sans une organisation rigoureuse assise sur un travail régulier. Quelle victoire, je n’en reviens pas moi-même. C’est du même coup la n#14 qui est également honorée : ne pas remettre au lendemain…etc.

Carton plein également dans les grands principes et les résolutions générales ; mais ça, c’est plus facile, bien sûr. Haut la main donc pour les n#1, 2, 4, 12, 13, 15, 16 et 17. C’est la deuxième année consécutive. Inutile donc de les reconduire : elles sont passées dans les habitudes…

On repassera en revanche pour la n#11 : je refuse toujours de communiquer mon numéro de téléphone fixe à quiconque (d’ailleurs, je ne le connais pas moi-même), je serre les dents pendant tout le trajet si je suis montée à l’avant d’une voiture, et je continue à chronométrer mon quotidien, recalculant mon emploi du temps à chaque déconvenue tel un GPS laissé allumé par inadvertance… « control-freak » en puissance, et toujours pas désamorcée. Peut mieux faire.

En langues étrangères, si l’objectif « 4 fluent » n’est pas atteint, j’en suis à « 3 fluent », ce qui n’est déjà pas mal (français non compris.) Objectif reconduit pour inclure la petite dernière d’ici à la rentrée prochaine.


Il reste la n#10. « Prendre le temps ». Diable, qu’elle est sérieuse, si son problème principal est de ne pas savoir « prendre le temps ». Le problème, en vérité, est autre. Il y a toujours, dans l’emploi du temps de l’étudiant, une part irréductible d’obligatoire. Ce qu’il « faut » faire, à peine de sanction. Devoir à rendre, examen à préparer, exposé, cours auxquels il faut assister, la liste est longue, et surtout, indéterminée. C’est un fait, les journées sont limitées, et le sont d’autant plus par les horaires d’ouverture pour le moins totalitaires des bibliothèques. On ne peut donc pas TOUT faire, au grand dam des perfectionnistes, et des bonnes volontés (les seconds étant plus nombreux que les premiers). Par « prendre le temps », j’entends arrêter de me facturer à moi-même le prix des contraintes imposées qui ne sont pas de mon ressort. Je ne peux pas faire mieux dans le temps imparti, parce que ce n’est pas une heure de boulot en plus ou en moins qui changerait quoi que ce soit à l’affaire : c’est une lecture en plus ou en moins qu’il faudrait. Ce que je ne peux pas faire, pour diverses raisons (bibliothèque pas ouverte, ou l’est pendant mes heures de cours, ou n’a pas l’ouvrage qu’il me faudrait, etc…). Prendre le temps, c’est redessiner la limite de la part d’obligatoire, sans culpabilité. Ne pas attendre d’être au bord de la crise de nerfs pour tout lâcher et aller faire 20 longueurs à la piscine « pour se défouler ». Ne pas attendre de lire sans plus distinguer les pages pour refermer le tout et partir au cinéma. Devant son frigo dégarni, ne pas choisir obstinément pâtes « parce que ça cuit vite » (plus vite je mange, plus vite j’y retourne) et prendre le temps de cuisinier.

2009, ce sera « prendre le temps » de faire tout ce que je remets constamment à un « plus tard » lointain, indéterminé, un « après ». Et au premier plan : lire et écrire. Lire, ces livres qui prennent la poussière sur mon étagère, récupérer entre leurs pages les marques pages abandonnés. J’avais promis de les finir « plus tard ». La plupart n’ont jamais été commencés. Ecrire. J’ai trop d’amitiés en suspens, qui n’attendent que d’être ravivées par une lettre spontanée, venant rompre le silence. Que deviens-tu ? Voilà qui je suis. Des semaines, des mois, parfois des années nous ont séparés. Autant de distances qu’il est aisé d’effacer d’un trait de plume. 2009, reprise de la correspondance. Je vais renflouer le capital de la Poste à moi toute seule.

2009 est une année charnière. Son premier semestre scellera la fin d’une époque. Son dernier trimestre, le début d’une autre. Si tout fonctionne, 2009 sera ma dernière année à Lille. Je veux me laisser le temps de la quitter. Le premier semestre sera tout naturellement consacré à la fin des études : tête dans le guidon, dernière ligne droite, on donne tout ce qu’on a. Plus que quelques mois à souffrir l’absurdité des évaluations et la contrainte scolaire gluée à l’enseignement. On y est, je vois le sommet. L’été sera une transition : objectif stage, fenêtre sur ce que pourrait (pourra ?) être un futur pas si lointain. Et la rentrée ? Inconnu total, épilogue d’une vie d’étudiante. Je ne sais pas. Je ne veux pas savoir. C’est une surprise ! 2009, année charnière, en réservera plus d’une, en dépit de mes tentatives désespérées de contrôle. Tant mieux ! Sinon, ce s’rait pas drôle…

Résolutions 2009

Titre I : Les Grands Principes

N#1 : Prendre des bonnes résolutions

N#2 : Les tenir.

N#3 : Prendre le temps !

N#4 : « Appuyez vous sur les principes, ils finiront bien par céder. » Oscar Wilde.

Avoir des principes, c’est bien. Savoir s’en détacher à l’occasion, lorsque les circonstances l’exigent, c’est mieux.

Titre II : Défis et Challenges.

N#5 : Soigner mes langues étrangères, écrit et oral : objectif 4 fluent.

N#6 : Trouver un stage en RH dans le privé pour l’été.

N#7 : Objectif Grand O : priorité studieuse pour le 1er trimestre 2009.

N#8 : Reprendre la plume.

Titre III : Prendre le temps.


Prendre le temps de lire. Tout ce qui me chante !

Prendre le temps d’écrire pour moi, et pour les autres : reprise de la correspondance.

Prendre le temps de faire du sport : ce n’est pas un passe-temps mais une exigence sanitaire. Non, je n’ai rien de plus important à faire que 20min de jogging ou une demi-heure de piscine. Alors exécution !

Prendre le temps de sortir : cinéma, théâtre, sorties culturelles sont des investissements (au propre comme au figuré !)

Prendre le temps de se faire plaisir : les soirées rock ne sont pas facultatives !!!

Prendre le temps de profiter de Lille et de la dernière année « étudiante » à Scpo. Il n’y aura pas de session de rattrapage… En 2009, une page se tourne. Attention, ça fait mal. C’est un livre que je ne relirai plus.

2009: année charnière…

vendredi 21 novembre 2008

"Dix ans plus tard" ...

A Sciences Po Lille on aime bien se déguiser… C’est un peu le sport national. « Twins », « Racaille contre Versailles », « Lille de la Tentation », « Soirée Jacky », « Où est Charlie », ce ne sont généralement pas les idées qui manquent, pour qui veut bien se prêter au jeu. Et dans la famille B., l’art de se déguiser est inscrit dans notre patrimoine génétique. « Le moyen âge », « la préhistoire », « fruits et légumes », « Espagne », « Canada », « Italie », et ce sont petits et grands de bien avant 7 à bien plus de 77 ans qui se rient du ridicule, à la barbe des conventions. En matière de déguisement, rien n’est interdit. Et pourtant, pourtant, le thème de ce soir me laisse plus que songeuse. « Dans dix ans ». Merci les filles, quelle élégante manière de me renvoyer à ma bonne résolution 2008, celle que je n’ai pas su tenir. Que faire de ma vie ? Me projeter dans dix ans c’est incidemment apporter un élément de réponse à la question qui ne cesse de me tourmenter depuis bien des années… Et l’échéance approche, et toujours aucun panneau indicateur opportunément libellé « PAR ICI ». Ce que je serais dans dix ans ? C’est une excellente question. Mais parce qu’il va bien falloir que j’aille à cette soirée décemment grimée afin d’honorer ma réputation, tentons en quelques heures d’imaginer un scénario plausible.

Où serai-je dans dix ans ? Probablement pas en France. Ou alors, à Paris, entre deux avions. Un petit appartement parisien, où m’attendra le courrier de cinq mois. Il sera sommairement meublé par des antiquités ramenées de mes voyages. J’aurais vécu en Asie, voyagé en Afrique, séjourné en Amérique. J’habiterai en Europe. Il y a bien longtemps que je ne considère plus mes résidences temporaires comme un « chez moi » ; dix ans auront tôt fait d’aggraver ce phénomène.

Qui serai-je dans dix ans ? Une jeune femme active, hyperactive sans doute, le téléphone à une oreille, mon agenda électronique dans la main, cherchant de l’autre main mes clefs de voitures dans mon sac ; clefs qu’évidemment je ne trouve pas puisque ce sac à main contient tout une vie, mais peut importe, je ne sais plus où je suis garée, je suis en retard, je vais prendre un taxi. Mais c’est la vie que j’aurai choisie. Quel autre futur attend l’étudiante « surbookée », toujours volontaire, toujours partante, celle qui accumule les tâches et les responsabilités ? Nous ne sommes qu’à la mi-novembre et je suis déjà à genoux, rattrapée par les échéances auxquelles j’ai consenti ! Parce que c’est ma façon de vivre, à 100%, employer chaque minute de mon emploi du temps, métro boulot sport resto ciné dodo. C’est ma façon de défier le temps qui passe toujours trop vite quand je voudrais qu’il traîne, c’est de cumuler les activités pour tout faire, tout ce que je veux, et tant pis si les nerfs lâchent de temps en temps : c’est le prix à payer pour vivre malgré le temps. Et oui, j’estime même avec le recul que « péter les plombs » un jeudi soir après avoir mené un rapport de stage, une campagne électorale, trois exposés et deux dissert de front, c’est un prix acceptable. Oui, j’arrive un jeudi matin à me recoucher à 11 heures, épuisée, parce que voilà trois soirs que j’enchaîne apéro-dîner-soirée, lever aux aurores pour bosser, et qu’il arrive un moment où le corps dit non ; on recharge les batteries à coup d’heures de sommeil volées aux heures de la journée, on change les fusibles à coup de chocolat, de tours de parcs et de tasses de thé, et ça repart…

Avec qui serai-je dans dix ans ? Pas plus tard qu’hier, un ami pariait pour un mari et deux enfants… Je pense qu’il va perdre son pari. J’aime trop être seule pour envisager de renoncer à cette liberté à si brève échéance. J’aime beaucoup trop improviser, changer mes plans, changer de vie, rencontrer des gens, changer de cadre, changer de « groupe », changer de pays, changer tout court, que je ne vois pas qui pourrait s’accommoder d’une telle instabilité ; ce ne serait pas juste. Par ailleurs, et surtout, je ne pense vraiment pas pouvoir supporter moi-même un élément de stabilité tel qu’un mari. (Ne parlons même pas des enfants !) Je pourrais, mais pour combien de temps ? On me dit souvent « tu changeras d’avis », à l’affirmative, comme si c’était une loi naturelle, une obligation. Je ne sais pas. Peut être. Sans doute. Qui sait ? Mais je sais ce que je veux, et un mari n’en fait pas partie.

Qu’est ce que j’aurais fait dans dix ans ? J’aurais fini mes études. OUF ! C’est un fait, je serais dans la vie active. Mais depuis combien de temps ? Je viens à peine d’obtenir mon doctorat en droit public. Je serais commissaire du gouvernement –ironie de la vie, finir à ce poste après avoir fait de ce commissaire le bouc émissaire de toutes mes dissertations de droit public jusqu’au master ! Je serais professeur, maître de conférence à scpo Lille (qui viendra tout juste d’emménager dans ses nouveaux locaux.) Non. Après un stage long en entreprise, je suis embauchée en septembre 2010. Deux ans plus tard, c’est l’expatriation ; et là commence la longue liste de mes déménagements successifs, aux quatre coins du monde, là où l’entreprise se développe. Novembre 2018, je suis à Paris, Julia m’appelle pour m’inviter à sa pendaison de crémaillère, vendredi 20. Je saute dans le TGV. Voilà pourquoi je débarque en tailleur avec mon attaché-case, à parler espagnol au téléphone (avec le décalage horaire, c’est la bonne heure pour appeler Santiago). Je m’excuse de ne pas pouvoir rester, je pars de Roissy demain après midi (séminaire à Hong Kong !). Ou encore, (plus réaliste), j’enchaîne les stages et les périodes de recherche d’emploi. J’évacue la frustration de ces jours sans bonnes nouvelles en poursuivant l’écriture de mon roman, que je réussirai finalement à publier, à peu près au même moment où je trouverai un travail. Je m’installe à Paris, dans un petit appartement mal rangé, noyé sous les brouillons de mes deuxième et troisième livres, que j’aurai évidemment commencés en même temps. Avocate spécialisée en droit des étrangers, je mettrais tout mon zèle à attaquer les APRF, OQTF et tenter d’empêcher la déportation des victimes du M3I (dont l’activité ne devrait pas décroître d’ici dix ans.)

Dix ans me semblent une éternité, et pourtant, c’est après demain. Il y a tellement de possibilités, et je ne sais pas laquelle choisir. Je suis incapable d’établir une hiérarchie de préférences entre ces hypothèses. Mais il y a des constantes : l’indépendance –je n’utilise pas « solitude », parce que c’est connoté négativement, c’est perçu comme une fatalité alors qu’au contraire, j’en fais le choix ; et
ce n’est pas facile de se dégager des moments de solitude dans la société d’internet et du téléphone portable. A moins d’être asocial, et ce n’est pas mon cas, la semaine est vite passée entre un dîner chez truc, un verre avec machin, un ciné avec bidule, et une crémaillère le vendredi… ! Il y a l’écriture, qui va nécessairement avec « l’indépendance » : avoir le temps, prendre le temps d’écrire, c’est aussi prendre le temps de trier ses pensées, ses souvenirs. Quand on raconte à quelqu’un, on exprime ses émotions. Quand on les laisse décanter à l’intérieur, on les transforme en matière brute, à travailler à la plume… La troisième constante, c’est le voyage. Bouger, visiter, voir, voyager, ce sera un impératif. Et si ce n’est pas par nécessité professionnelle, alors ce sont mes cinq semaines de congés payés qui y passeront. Mais quoiqu’il arrive, je ne resterai pas toute ma vie en France, à parler français. C’est fort peu probable. Quatrième constante…hyperactivité. Quoiqu’il arrive, je vais occuper mon emploi à outrance, au-delà de mes capacités. Ça a toujours été le cas, je ne vois pas pourquoi dix ans de plus m’ôteraient cette habitude. Personne n’a jamais le temps, il faut le prendre, et je me sers allègrement quand il s’agit de se rendre utile, d’être volontaire, d’essayer, de s’amuser.

Hum… Voilà plus d’un an que je me pose sérieusement la question de « l’après ». Il était évident que je n’allais pas la résoudre en arrêtant un déguisement pour ce soir. Mais parce qu’il va bien falloir que je me déguise, il va bien falloir que je choisisse…au moins provisoirement… Histoire d’avoir, par l’intermédiaire des réactions des autres invités, au moins une réponse : et eux, où me voient-ils dans dix ans ?

Suspense… !

vendredi 7 novembre 2008

Conciliabule

Quelque part sous les combles, au dernier étage du 12-14 de la rue Jean Sans Peur, trois agents sont plongées dans une conversation des plus sérieuses. Des volutes de fumée s’échappent de trois tasses pleines de café brûlant. L’odeur est saisissante, elle couvre celle du papier sec. Une lumière grisâtre perce à travers les épais nuages de ce morne jour d’été.
Au premier abord, les agents semblent échanger des informations concernant une pile de dossiers qu’ils dissèquent minutieusement devant eux, mais le témoin novice n’y entend goutte. Les propos sont cryptés par une sorte de code que seules ces agents surentraînées connaissent, et comprennent.

« -Vous avez quoi ?
-Bersee, donc CCTP, mais là, loi intercom, rien à voir, et détachement
-vous êtes sure ? S’enquiert la deuxième.
-Non non, moi je penche plutôt pour une loi Sapin, interjette une troisième.
-Loi Sapin ! Il perd son CDI alors, reprend la première.
-Pas forcément, s’il y a une vacance ?
-Même, indice 1081, en mise à dispo !
-indice 1081 ! s’exclame la deuxième, alors on y va.
-avec quoi ? Loi sapin ? Non lieu.
-alors on y va au bluff.
-au bluff !
-parfois, il faut. »

La troisième ne s’en remet pas, mais devant le visage emprunt de triste détermination de la seconde, elle cède.

« -bon ensuite alors
-là, saisonnier occasionnel
-non soumis !
-je sais, je leur fait une lettre.
-bon ensuite !
-maison folie.
-encore ! ah non, on reste couché.
-mais c’est un recrutement sans vacance
-alinéa 1, couché j’ai dit ! »

Bien malgré elle, la première s’incline. Et la discussion reprend.

Et la pile de dossier se dissout au fil de cet étrange conciliabule, dans cette langue si particulière alliant jargon technique, imbroglio juridique et acronymes divers et variés.
Etait-ce une partie de poker ?
Etait-ce un round de Kamoulox ?
Etait-ce… une réunion de travail ?

Notre observateur, perplexe, n’en saura jamais rien. A vous de juger.



C.

mercredi 22 octobre 2008

Rapport de stage....

Exercice de style imposé, la dinde s'emploie à la rédaction de son rapport de stage court. Aucun sujet ne rebute a priori l'inspiration, pas même la question de la légalité des marchés publics. La preuve par cet essai d'introduction, version immédiatement déclinée par le professeur maître de stage. "ah non non non...'Faut rester juridique !"
On me brime, on me réprime, on casse ma créativité. Afin que ce chef d'oeuvre en devenir n'aille pas moisir dans le carton de mes brouillons, je le soumets au jury impartial de l'internaute égaré sur la toile.
Rester juridique...tsssss... l'autre hé !

Introduction

De l'efficacité du contrôle de la légalité des marchés publics.

"L’Etat à votre service dans le Nord» peut on lire sur le site Internet de la Préfecture ; pourtant, l’imposant édifice, répondant au somptueux Palais des Beaux Arts place de la République, inspire davantage l’idée de puissance, de majesté, que celle de « service ». La Préfecture, siège des services déconcentrés de l’Etat, et demeure de son représentant, le préfet. Qu’il nous soit permis de relever ici encore une symbolique contradictoire ; entre l’expression « services » déconcentrés et la métaphore classique explicitant l’idée de déconcentration : « c’est toujours le même marteau qui frappe, mais le manche est plus court. » Puissance, contrôle, pouvoir. Etrange paradoxe. Intrigué, le curieux s’en ira poursuivre son investigation de terrain au 12-14 de la rue Jean Sans Peur, siège des services n’ayant pu établir résidence au palais de la République. Le quidam ayant franchi le cerbère des grilles devra encore traverser la verrière afin d’accéder enfin à l’intérieur de la place forte : un atrium au plafond insaisissable, fourmillant d’individus –les fonctionnaires du lieu étant reconnaissables à leur pas pressé et énergique : eux seuls semblent savoir où ils vont. Les autres tentent bon an, mal an de trouver leur chemin, s’aidant des panneaux indicateurs rendus illisibles par l’emploi d’obscures acronymes indéchiffrables : « DRCT – 3E. SGAR -2E – FPT – LP – 3E-1E. » Leur quête est vaine. D’autres encore viendront gonfler les files d’attente artistiquement déroulées le long d’une corde de velours. Une fois encore, l’idée de service se perd dans la réalité du lieu, qui ne va pas sans rappeler le labyrinthe bureaucratique qui eut raison des nerfs du brave Astérix dans son aventure en Légionnaire.

Mais l’étudiant en sciences politiques se distingue du quidam en cela qu’il sait ce qu’est et comment fonctionne une préfecture, et ne se laisse ainsi ni impressionner par l’imposant et le sacré, ni décourager par l’apparente complexité de l’ensemble. Au contraire, il ne cache pas son enthousiasme face à la perspective d’infiltrer un service, et de découvrir l’envers de ce décor que nous achevons de décrire. Pourquoi un stage au sein de la Préfecture du Nord ? Parce que l’on prête à cette institution tant de représentations imagées et de stéréotypes que la vérité s’y noie ; et qu’il est difficile pour l’étudiant en pleine réflexion quant à son projet professionnel de juger ou choisir en l’absence d’éléments concrets. Il fallait aller constater ce qu’est une administration, comment fonctionne-t-elle dans la pratique, après l’avoir lu et appris dans le confort des bibliothèques. Il fallait se confronter à la réalité du quotidien du fonctionnaire, de la main qui œuvre chaque fois que « l’Etat » agit, pour pouvoir appréhender avec le recul nécessaire l’éternelle critique de « l’efficacité de l’administration ». Ce stage fut également l’occasion d’acquérir une expérience professionnelle – la première – et par là même de mettre en pratique une série de connaissances acquises sur les bancs de l’école. Et il ne s’agit pas là d’une expérience anodine : la confrontation avec le monde professionnel est un véritable test pour l’étudiant, d’un tout autre genre que le partiel semestriel –autant que les prises de paroles en public diffèrent en tous points du sempiternel exposé. Méthode, rigueur, assurance et responsabilité seront les maîtres mots de ce court séjour loin des habitudes universitaires. On passe de celui qui apprend à celui qui applique ; on cesse d’être seul à subir les conséquences d’une mauvaise décision, pour porter une responsabilité vis-à-vis du service, de son chef, jusqu’au Secrétaire Général, signataire des recours gracieux faxés aux communes. On passe d’un monde où l’on se trompe pour mieux apprendre à un monde dans lequel l’erreur n’est pas permise. La logique d’apprentissage est différente. Et le test est sans appel pour l’étudiant en droit administratif promus contrôleur de la légalité des marchés publics en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. Une expérience de douze semaines positive en tous points, de laquelle je retire un bénéfice immense.

Un stage effectué donc au sein du bureau du contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales, que l’on désignera par la suite par son acronyme : DRCT – la Direction des Relations avec les Collectivités Territoriales. Le contrôle de légalité était dans mon esprit l’incarnation du compromis entre «libre administration » des collectivités territoriales (principe énoncé à l’article 72 de la Constitution) et centralité du pouvoir étatique consacré par la forme « une et indivisible » de la République (article 1er de la Constitution). La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, en avait fait un contrôle des actes « a posteriori » par le préfet. Je ne m’étais jamais représenté la réalité du contrôle. Si je l’avais fait, ma représentation aurait été loin de la réalité effective : deux agents et demi en charge du traitement de caisses entières de marchés publics, trois agents en charge des centaines d’arrêtés de nomination quotidiennement acheminés par le service courrier. L’écart entre mon imaginaire « compromis » entre principes constitutionnels (et donc sacrés !) et la réalité de ce petit bureau au fond d’une aile du troisième étage était immense. Comment, en pareilles conditions, le préfet peut-il assurer un contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales efficace ? C’est avec cette interrogation que j’abordais mon expérience au sein de la division du contrôle des marchés publics. L’enjeu du contrôle n’étant (dans mon esprit) rien de moins que la garantie de grands principes de justice et d’égalité, par le biais du respect des règles de procédure de recrutement des agents, et de passation des marchés publics ; mon attention s’est donc naturellement portée sur les forces et les faiblesses du bureau dans l’accomplissement de ces missions.

La DRCT comporte quatre divisions. DRCT-1 affectée au contrôle de la légalité des marchés publics et de la fonction publique territoriale, DRCT - 2 à l’intercommunalité et aux finances locales, DRCT – 3 aux affaires scolaires, et enfin DRCT – 4 à l’urbanisme. Après avoir brièvement présenté dans un premier temps les DRCT 2, 3 et 4, nous nous focaliserons sur les attributions et le fonctionnement de la DRCT- 1, et notamment de sa section « marchés publics » au sein de laquelle diverses missions me furent confiées. La deuxième partie sera consacrée au descriptif de ces missions, un descriptif critique étayé d’exemples, au cours duquel nous tenterons de déterminer si le contrôle de légalité en matière de marchés publics est efficace dans les conditions de sa mise en œuvre à la Préfecture du Nord, et dans quelle mesure il peut être amélioré.

mardi 24 juin 2008

Sur le quai d'une gare

Dédicace à tous les étudiants ayant vécu une année d'échange, passés, présents, futurs.



Je m’en souviens très bien, comme si c’était hier, et pourtant, « hier », c’était il y a une éternité. La chaleur étouffante de ce premier jour de septembre et le chant des grillons. L’arrêt du train dans cette gare, l’arrivée aux portes de cette ville. Ces valises que l’on pose enfin, lassé de les avoir traînées depuis si loin. Je me souviens de la douceur du soir, le premier, et de la promenade nocturne dans ces rues mystérieuses – la première.

C’est fou ce qu’aujourd’hui peut ressembler à hier. Ce soleil, cette chaleur, et cette gare. Celle d’où je partirai. Sauf que je ne suis pas à la gare. Je suis assise sur les pavés de la Piazza del Campo. Le soleil descendant retire progressivement ses rayons de la place, et les badauds s’empressent d’envahir l’espace ombragé. Et pourtant, à la gare, j’avais bien prévu d’y aller, afin de réserver mon billet de train. Je suis bien sortie de la maison, mais au lieu de descendre à gauche, j’ai pris à droite, vers le centre, comme d’habitude. Par réflexe, inconsciemment sans doute. Mais lorsque je me suis rendue compte de mon erreur, je n’ai pas fait demi tour. J’ai continué à avancer sans raison. Avant même que je ne le comprenne, je suivais les traces de mes propres pas de cette fameuse nuit-là ; la première. Et me voilà assise sur la place, à essayer de comprendre. Où suis-je ? Sur le départ. C’est la fin, mais voilà deux mois que la date avait été fixée. Deux mois que j’avais mis à profit à m’habituer à l’idée. Je croyais y être arrivée, en avoir pris conscience. Et voilà que je me retrouve incapable de marcher vers la gare. Comme si accomplir l’acte, effectuer la réservation, rendait la chose officielle. Impérative. Concrète. Réelle. Inévitable. « La chose ! » : L’heure du retour.

Je me sens comme on se sent bien assis dans son fauteuil, finissant un bon livre. De ceux que l’on a vraiment aimé lire, et dont on aurait voulu qu’ils puissent durer pour encore quelques pages. De ceux que l’on aimerait ne pas avoir finis, pas tout de suite. Alors, au moment de les refermer, on ne se lève pas. On reste encore pendant quelques instants assis dans ce fauteuil, ce livre dans les mains. Et on savoure cet instant comme un moment présent, avant qu’il ne devienne un souvenir. On est bien. On laissera passer quelques temps, et puis, un de ces jours, juste pour le plaisir, on le relira, ce livre. Bien sûr, on ne retrouvera jamais la sensation de la première lecture. La découverte, l’attente, le suspense, l’appréhension. Les surprises, les rebondissements. La satisfaction d’un bon dénouement. Ce ne sera plus pareil. Ce ne seront que des souvenirs. Mais peu importe, parce qu’entre temps, on en aura lu d’autres.

Cette année aura été un de ces livres-là. Une histoire incroyable, des rencontres improbables, des événements rocambolesques, le tout sorti de l’immagination d’un auteur loufoque – ou d’un buveur d’absinthe. Et moi lectrice candide, je m’y suis laissée prendre. J’ai vécu chaque instant avec cette héroïne comme si j’y avais été. Je me suis attachée à tous les personnages, et je m’en sentais proche comme si j’avais partagé un épisode de leur vie. Je me suis laissée porter par le fil comme on se laisse envoûter par une mélodie, hyptoniser par un bon film. Et puis soudain, sans prévenir, le moment est arrivé de tourner la dernière page. C’est un véritable choc, une surprise qui n’aurait pas dû l’être. Mais il n’y a rien à faire à part…en profiter. Alors, j’en profite, assise au creux d’une des plus belles places du monde en lieu de fauteuil, je feuillète mes souvenirs en guise de pages. Bien sûr, à Sienne, je pourrais y revenir. Mais ce ne sera plus pareil. Il n’y aura plus toutes ces premières fois. En revanche, nombre de mes habitudes ont commencé à prendre des airs de « dernière fois » récemment. Dernière fois que j’assiste à un cours. Dernière fois que je petit-déjeune dans ce bar. Dernière fois que je sors de cette bibliothèque. Dernière fois que je passe un examen. Dernière fois que je vois telle personne. Dernière fois que je raconte un chapitre de mon année dans un billet.

Mais j’avance un peu vite en besogne, car l’année n’est pas finie. Il me reste dix jours de cette vie, dix jours dont je compte profiter au maximum. Et puis, il reste le Palio et les préparatifs des jours qui le précèdent. L’apothéose de cette année, en quelque sorte. Le bouquet final. Il s’agit de ne pas ternir ces derniers jours de l’amertude et de la nostalgie qu’inspire l’imminence du départ. Après tout, partir, c’est bien aller quelque part. Et il n’y a pas que des amis qui se quittent ; il y a aussi des gens qui se retrouvent, sur le quai d’une gare.



mardi 20 mai 2008

007 - Palio Fever

En vérité je n'ai aucune idée du titre du prochain James Bond. Tout ce que je sais, c'est que le blondinet en costard viendra faire un tour du coté de Sienne aux alentours du Palio (clavier italien, pas d'accent circonflexe. Deal with it.) D'authentiques prises avaient été faites à l'occasion du Palio de juillet 2007, qui avait vu vaincre la Contrada dell'Oca (L'oie, couleurs rouge, vert et blanc) Cependant, respect des traditions médiévales oblige, la production n'avait pas obtenu le droit de noyer la place de caméras ni d'utiliser un hélicoptère. Fin mars de cette année, les équipes de tournage sont revenues envahir la ville, la faisant passer pour un gigantesque studio en plein air. Un matin, alors que j'arrivai Orti di Tolomei comme à mon habitude, je découvris mon magnifique paysage ruiné par la présence de quatre grues tendant des cables au dessus des toits. Sans doute des travaux, ai-je alors pensé. Un soir que je revenais d'un diner, j'empruntai une rue un peu au hasard, et me retrouvai dans une situation des plus étranges : des façades factices avaient été construites et placées quelques mètres devant les façades authentiques. Etranges travaux de rénovation. Ou peut etre était-ce le diner qui avait été plus arrosé que je ne l'avais pensé. La réponse me vint le lendemain. Encore surprise du mystère de la veille, je voulus satisfaire ma curiosité. Et au pied d'une des grues, tout s'illumina : « SET CINEMATOGRAFICO » disait le panneau, une expression que chacun sera en mesure de comprendre, je pense. Voilà qui explique les grues et les cables, les batiments factices et les nouvelles règles de circulation. Le jeu, à partir de ce moment, a consisté a éviter les équipes du tournage dans leurs déplacements. Pendant une bonne semaine, ils étaient occupés à monter une cascade à base de combats sur le toit d'un bus aux confins de la Via Pantaneto. Puis, l'action s'est déplacée sur les toits de la ville, pour une course pousuite aérienne. En ces jours, il était fréquent de croiser des hordes d'américaines et d'anglaises à la poursuite de Daniel Craig. Il était aussi fréquent de les entendre raconter leur déception quand elles se rendaient compte que le type blond en costard qui avait sauté du bus était le cascadeur doublure de l'acteur, et non la star elle-même. Puis, le tournage a continué dans les rues de la ville. C'est à ce moment là que la cohabitation est devenue difficile. Au hasard des rues, on pouvait se heurter à un employé en veste de chantier jaune fluo, à l'amabilité du videur du boite. « ça va pas etre possible. » « Et… ça va pas etre possible pendant combien de temps ? » Derrière lui, une horde d'employés s'affaire entre micros et caméras. Tous reconnaissable au badge « 007-Crew » suspendu à leur cou. Fort bien, je fais un détour. « SET CINEMATOGRAFICO – VIETATO L'ACCESSO » Ah ! Laissez moi deviner… ça va pas etre possible ? Les tension ont atteint leur paroxysme aux alentours du 15 mai. Je descendais sur la Piazza del Campo par un beau matin, me dirigeant de très bonne heure vers la bibliothèque (véridique, j'allais prendre un café dans un bar vers la bibliothèque) quand je découvris la place sous un nouveau visage. Des barrières en bois avaient été disposées tout autour de la Place, ne laissant que quelques ouvertures afin de permettre un passage en diagonale. L'après midi, des gradins à l'allure médiévale avaient été montés devant le Palazzo Pubblico. Le lendemain (toujours sur mon chemin vers la bibliothèque), le coté horizontal de la place avait été ensablé. Corrigez moi si je me trompe, mais il n'est pas nécessaire d'avoir vécu un Palio pour deviner ce que ce décor est censé inspirer. Mais le Palio n'est pas un décor de cinéma. Pour les gens d'ici, c'est l'apothéose d'une année de préparation, d'attente et de tensions. « La Terra in Piazza » est un événement sacré, un véritable rituel. Amener la terre sur la place comme pour le Palio mais simplement pour quelques prises de vues n'est rien de moins qu'un sacrilège. Le surlendemain, la place n'était plus accessible. Alors que les équipes avaient auparavant colonisé la Piazza del Mercato, s'en faisant leur camp de base, en ce jour le front avait avancé sur la plus belle place du monde. Tentes, camionnettes, caméras, rails, grues pour les prises aériennes, un véritable saccage artistique du lieu sacré. Dans les tribunes, une horde de jeunes en collants et costumes d'époque ; il y a fort à parier que seuls les jeunes ont bien voulu se preter au jeu, les anciens ayant sans aucun doute refusé de participer à cette mascarade-sacrilège. Sur la place, une cent-cinquantaine de figurants, payés à hurler à tue-tete afin de recréer la folie populaire de l'événement. Toujours en quete de bibliothèque, j'évitais le bazar de la grande place en passant par sa petite jumelle, la piazza del mercato, délaissée de ses occupants. De tous, sauf le plus intéressant : une voiture de sport noire passablement amochée. Mais la tente de protection et le garde du corps à l'amabilité caractéristique trahissent la supercherie ; la voiture n'est pas amochée, elle est « maquillée ». Et le panneau « NO PHOTO PLEASE » confirme implicitement qu'il s'agit bel et bien de LA voiture de l'agent secret, à un stage avancé de destruction. (L'absence de portière avant gauche suggère une sortie en plein vol). Le lendemain, je trouvais la Piazza del Campo déserte, comme à l'accoutumée ; à la bonne heure. Suivant mon parcours habituel, je m'engageai dans la Duprè, ascendante jusqu'à l'Orti di Tolomei. Perdue dans mes pensées, mal réveillée, je remarque à peine que la rue semble bien plus peuplée que d'ordinaire, notamment pour un vendredi matin à huit heures et quelques. C'est alors que je reconnus le caractéristique badge au cou d'une jeune femme arretée, un café à la main. « 007-CREW ». Mauvais signe. Je sens que « ça va pas etre possible »… La rue prend un sec virage à gauche, avant d'accuser une pente sévère. Une cote étonnament vide maintenant que j'y pense. D'ordinaire, il y a des voitures garées sur la droite, et d'autres qui passent constamment sur la gauche, cette rue étant une des rares ouvertes à la circulation automobile. Arrivée au porche qui marque la fin de la Dupré, surprise ! Toute l'équipe est en place pour la prise de vue ; c'est la « descente des marches » à l'envers. Bien m'en a pris de m'en aller vers la bibliothèque en ces heures matinales, une demi heure plus tard, l'accès aurait été coupé pour cause de tournage de scène de crash. Quelque chose me dit que la folle course poursuite dans les rues de Sienne devrait finir quelque part au sommet de la Duprè ; peut etre meme au dessus de la fontaine de l'Onda si les angles de disposition des caméras ne m'ont pas menti. Ce cirque a duré plus d'un mois et demi. C'était amusant au début, mais très lassant sur la fin, pour tout le monde. La file interminable des camions qui engorgent la Piazza del Mercato, les barrières-surprises bloquant les rues au hasard des prises étaient autant de réjouissances collatérales qui rendaient totalement incompréhensible l'exaspération des autochtones. Ce sont, au contraire, les techniciens de set qui sont les plus hargneux et agressifs, et à juste raison d'ailleurs ! Ils essayent de bosser, merde, et les gens n'arretent pas de se mettre dans le passage, prétextant d'habiter dans la rue ! C'est lassant. En résumé, l'exaspération des uns et la lassitude des autres ne font pas bon ménage. Il était temps que cela cesse ! Que ces manants otent leur chantier de mon parcours quotidien, et leurs sales grues de mon paysage !

Certains auront noté que l'information la plus excitante de ce mail n'a rien à voir avec James Bond, mais plutôt avec le fait que je me dirige quotidiennement vers la bibliothèque à une heure matinale indécente. Elle est folle ou elle bluff ? Ni l'un, ni l'autre. Elle vérifie une fois de plus la constance de la morale de l'indémodable fable ; l'Erasmus ayant festoyé toute l'année se trouva fort dépourvue lorsque l'heure des examens fut venue. Un classique dont on ne se lasse pas. Droit consitutionnel italien et comparé le 11 juin, droit administratif le 12, droit du travail italien le 17, droit de l'union européenne le 23. Une cadence digne de la première session du premier semestre de deuxième année, et pas de cours de socio ou d'éco sur lesquels on pourrait impunément faire l'impasse. Que du droit, matière dans laquelle « meubler » ne fonctionne guère. Je ne cherche ni compassion ni pitié, comme vous l'aurez déduit vous-meme, je l'ai bien cherché ! Je l'ai d'ailleurs cherché plus loin en m'infligeant un cours d'espagnol, comme si tout cela ne suffisait pas à m'occuper de l'aube au crépuscule. A ceux qui sont à la recherche de sensations fortes, je ne saurais que recommander l'apprentissage d'une langue étrangère dans une langue étrangère. Résulat garanti. Vous coupez tout lien avec votre langue maternelle, votre langue naturelle. Vous obligez votre cerveau à jongler avec les concepts UNIQUEMENT, sans pouvoir à coup sur mettre un mot dessus. Vous comprenez le mot en espagnol, vous ne connaissez pas l'équivalent italien, vous ne vous souvenez pas du francais. Et vous voilà en possession d'un mot qui désigne un concept connu, simplement, vous avez oublié le mot francais qui désignais ce concept. Le schéma traditionnel de traduction instané « j'entends – je comprends » se complique d'une étape en langue étrangère : « j'entends – je traduis – je comprends ». De langue étrangère à langue étrangère, le schéma n'est plus valable. « j'entends – je saisi le sens ». Il m'était déjà arrivé de mélanger des langues étrangères ; on traduit un anglicisme, ou vice et versa, qui ne l'a jamais fait ? Il ne m'était jamais arrivé de mélanger deux langues étrangères sans m'en rendre compte. On me parle espagnol, je réponds du tac au tac ; « en espagnol s'il te plait Clémence » me demande la prof. Je la regarde confuse ; n'ai-je pas répondu en espagnol ? C'était de l'italien. Chaque heure de cours est une véritable torture intellectuelle. Six heures hebdomadaires, et j'en sors lessivée, incapable de parler. Mon cerveau ne sait pas quelle langue choisir, ma bouche ne sait pas quelle prononciation articuler. Une bonne demi heure de silence et je retrouve la capacité à choisir « une chaine ». Tout le monde me répète que les langues étrangères, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. Une comparaison à laquelle j'adhère sans réserve, si on file la métaphore : le vélo ne s'oublie pas, mais qui s'en va en faire trente kilomètre après un an d'inactivité s'expose à de sérieuses douleurs musculaires. Le vélo demande un entrainement régulier et progressif. Une constance dans l'effort. Il en va de meme pour les langues étrangères ; après un an d'immersion totale en italien, et autant d'absence de pratique de l'espagnol, je sens que l'ascension du col va tirer sur les mollets. Examen écrit le 3, oral le 9. L'oral porte sur un livre à lire en ITALIEN (voilà qui va m'etre d'une aide précieuse dans mon effort de ne PAS mélanger les deux langues…) et sur un cours portant sur… le journalisme espagnol. C'est là que le bat blesse. J'aurais pu, je pense, mettre de coté mon vif ressentiment vis-à-vis des charlatans de l'information, si on ne m'obligeait pas en parallèle à SUIVRE l'actualité espagnole sur les journaux en ligne. Pire encore, on me demande de choisir un thème traité sur plusieurs jours par différents périodiques, et rédiger un commentaire-synthèse de cinq à sept pages (en espagnol, cela va sans dire). Là, rien ne va plus. C'est comme si on me demandait de travailler pour un cours, ce qui dépasse le domaine du ridicule pour flirter avec l'inacceptable. Où va-t-on, je vous le demande un peu. Blague à part, cette fumisterie me demande un effort considérable, et j'ais d`autres chats à fouetter si vous me passez l'expression. J'ai un springbreak en Calabre à venir, coup d'envoi mercredi soir, et prolongation des festivités jusqu'à dimanche soir. Et oui, malgré le tournage de James Bond, malgré l'avalanche d'examens, MALGRE le journalisme espagnol et les tortures linguistiques, la vie à l'italienne reste un long fleuve tranquille où les erasmus coulent des jours heureux… En toute impunité.

Mon ordinateur privé d'écran a décider de rester retranché dans cet état fort peu coopératif. J'ai donc le choix entre l'ordinateur de ma colocataire, qui a l'inconvénient d'etre finnois et de me parler dans une langue illisible, ou les ordinateurs de la fac, astucieusement dotés d'une « CYBER PATROL » apparemment configurée pour bloquer Facebook, iGoogle, et tous les sites funs.

Mais heureusement, les sites des journaux espagnols sont accessibles. La vie est mal faite.

A un de ces quatre

C.


PS : conjugaison des verbes au passé simple, courtesy of http://www.la-conjugaison.fr/ . Je ne sais pas le conjuguer en français, mais sans problème en espagnol et en italien. La classe ou pas ?

mardi 1 avril 2008

Casa Nostra

"L'Addolorata"...

C’était la deuxième fois que je descendais en Sicile, cette année. J’y avais passé le nouvel an, et j’y retournais en compagnie de Chiara (la petite sœur de Francesca) pour y passer les fêtes de Pâques. La première fois, étant au départ de France, j’avais choisi l’option Ryanair Franckfort-Barcelone-Trapani. Bon c’est vrai que Franckfort c’est pas tout à fait la France, mais ne chipotons pas pour des détails. Au départ de Sienne, la solution la plus économique c’est le train jusqu’à Rome, et ensuite, le bus. Treize réjouissantes heures de voyage principalement de nuit ; notre capacité à en apprécier les joies plutôt qu’à en regretter l’inconfort est une marque de notre jeunesse –puisse-t-elle continuer ainsi ! Nous embarquions sur le ferry afin de traverser le bras de mer qui sépare Messina en Sicile de la Région Calabria sur les cinq heures trente ; le soleil se levait précisément pendant les vingt minutes que durait la traversée. J’ai pris des photos floues, qui ne sauraient rendre justice à la perfection du tableau. Un vent tiède nous fouettait le visage, c’était comme si nous nous étions endormies en hiver et réveillées au printemps. J’ai lutté contre la fatigue pour garder les yeux ouverts entre Messina et Trapani : il nous restait quatre heures de route à parcourir en Sicile, et c’était la première fois que je voyais ces paysages de jour ; et quelle journée ! Tandis qu’une vague de mauvais temps s’abattait sur l’Italie, qu’il s’apprêtait à neiger sur les hauteurs et venter sur les plateaux, le ciel et la mer de Sicile arboraient des tons de bleus insolents et moqueurs. Au loin, on distinguait l’Etna, impossible à confondre avec les sommets alentours. Puis, la route a longé la mer pendant plusieurs heures. Je me suis réveillée à Palerme, dans le fouillis des véhicules en tout genre qui prétendaient « circuler » dans les rues. Pour une image parlante, je renvois à Astérix et les Lauriers de César, centre ville de Lutèce. Entre Palerme et Trapani, les reliefs sont irréguliers, impossible d’y tracer une route ; il faut transiger en alternant viaducs et tunnels. Depuis les viaducs, la vue est imprenable. Le bus vole littéralement au dessus de la campagne, du vert, des oliviers, du ciel. Arrêt à la Marina ; T-shirt et lunettes de soleil : vous êtes à bon port. Bienvenus en été !

Enfin c’était bien la seule fois du séjour où j’ai pu me permettre d’être en T-shirt. Les jours suivants ont vu s’alterner Sirocco et Tramontane. Le Sirocco souffle chaud, mais souffle fort. Quand à la Tramontane, c’est un vent du Nord… et tout est dit ! J’ai du m’armer de trois pulls et un bonnet pour la balade sur le bord de mer. Mais je n’oubliais jamais de me débarrasser hâtivement de toutes les couches superflues chaque fois que je me faisais prendre en photo. Il faut que ça fasse vrai que diable !

Tout comme lors du premier voyage, j’étais accueillie par la famille Genovese, laquelle m’a gâtée et choyée mieux qu’un bataillon de mamies gâteaux. À ce stade, une mise au point s’impose. Certains se demanderont s’il était justifié de « sécher », comme on dit vulgairement, une semaine de cours pour aller se la couler douce au bord de la méditerranée. Je comprends tout à fait qu’on puisse se poser la question, je prendrais donc soin d’y répondre présentement : il ne s’agissait absolument pas de buller au soleil, mais bien d’approfondir mes connaissances linguistiques et culturelles à travers une immersion complète dans la culture régionale sicilienne. Cela inclut l’apprentissage du dialecte local (ou « sicilien »), la participation au folklore traditionnel (les célébrations de la semaine sainte), et bien évidemment, implique de se plier au régime alimentaire du coin (régime méditerranéen.) Je sens que certains sceptiques n’y verront quand même qu’un doux prétexte à la glande caractérisée, mais je vous arrête tout de suite. On m’a fait manger du poulpe bouilli (il était MAUVE) et des pâtes aux sardines, on m’a fait suivre la procession du vendredi saint pendant vingt-quatre heures, et fait répéter des centaines de proverbes en me corrigeant l’accent. Alors je ne vous permets pas !

La Sicile est un décor de cinéma ; ou un voyage dans le temps, au choix. On dirait que l’île est restée dans les années soixante. Tout est vieux, ou plutôt, rien n’a changé. Je n’ai pas vu une seule structure métallique qui ne soit pas rouillée, une seule façade dont le plâtre ne soit pas écalé, un seul panneau qui ne soit pas dépeint, décoloré. Je suppose que la fameuse mafia y est pour quelque chose dans cette sclérose. Que sa présence n’est pas visible aux gominés en tailleur rayé cigare aux lèvres et mitraillettes à la main, mais plutôt au délabrement général, conséquence sans doute d’un pouvoir politique absent, ou justement dépourvu de pouvoir… Je n’en sais rien, évidemment, je suppose c’est tout. Du coup, l’île arbore un style « décalé ». J’avais des envies de porter un bermuda beige taille haute avec des tennis, et de me faire une coupe au carré. (NDRL : fort heureusement, je suis remontée à temps !). Les célébrations de la semaine sainte commencent dès le mardi, avec la sortie de « la Madonna dei Massari ». « massari » est une catégorie socio-professionnelle. Je dirais « pasteur » mais ça m’a tout l’air intraduisible. Tous les ans, le mardi de la semaine sainte, les massari de Trapani portent en procession une image de la Vierge à travers les rues de la ville. Ce n’est pas la statue qui est remarquable en elle-même : il s’agit d’une espèce de pierre tombale sans doute en plastique, servant de cadre à un tableau de la Vierge, d’un style kitsch assez caractéristique. Le tout sur un char fleuri à outrance et garni de cierges, monté sur deux poutres, servant de prise à la quinzaine d’hommes qui portent ainsi le montage sur leur épaules au pas des tambours. Un orchestre suit la Madonna, emplissant les rues d’une musique indescriptible. Entre la marche funèbre et le chant populaire. La mélodie est triste, mais ce n’est pas l’impression qu’elle donne réchauffée par les cuivres. De temps à autre, les porteurs s’arrêtent, effectuent une sorte de danse sur place avec le char : la Madonna salue ses donateurs. Le cadre inférieur du tableau sert d’écrin à des dizaines de bijoux offerts par les fidèles. Croyant ou pas, la lumière des cierges, le pas des tambours, les visages crispés des porteurs, les veuves en pleurs aux balcons, et la chaleur triste de cette musique ne laissent pas indifférent. La procession commencent par la sortie de l’église sur les quatorze heures, et se termine au milieu de la nuit. Mais à l’occasion du vendredi saint, ce sont vingt chars, que vingt confréries porteront en procession, suivis de vingt orchestres, de quatorze heures à quatorze heures le lendemain. Chaque étape du chemin de croix est mise en scène par le biais de statues, vêtues et parées des étoffes et des bijoux donnés par les paroissiens. Les bouchers, les tailleurs, les vendeurs de fruits et légumes, les poissonniers, les boulangers-pâtissiers, les décorateurs, chaque profession porte son char, lourdement fleuri et cerclé de cierges. Impossible de ne pas être touché par la procession des veuves, toutes vêtues de noir, un cierge à la main, certaines pieds nus. La plus belle scène était selon moi la dernière du cortège. Une simple statue de la Vierge, vêtue de noir, le visage inexpressif. Ailleurs, les personnages arboraient tous des grimaces de douleur peu crédibles. Au fond, l’image de souffrance la plus manifeste, la plus parlante, c’était l’absence totale d’expression sur le visage d’une mère qui vient de perdre un fils. Je recommande la recherche Google « i misteri di Trapani » ; extraits disponibles sur Youtube. Histoire de prouver pour la dernière fois que je suis venue assister à un événement culturel absolument unique, qui justifie largement mon absence prolongée. Cette suspicion permanente quant à ma prétendue paresse caractérisée va finir par devenir lassante à mon avis.

Permettez moi cependant de nuancer le tableau religieux ; la ferveur populaire suivait la procession de très près. Dès qu’elle quittait la rue, c'étaient les étudiants et les lycéens qui prenaient possession des lieux. Et il n’y avait plus rien de catholique dans le va-et-vient de la foule qui passe d’un bar à l’autre, une bière à la main, ni dans la présence des stands de bonbons et des baraques à frites. L’ambiance passait à la fête foraine, très sacrilège en cette nuit de vendredi saint…

Toujours en quête d’expérience culturelle, j’ai assisté le samedi soir à la confection de pizza siciliennes. Préparation de la pâte, assaisonnement, température et temps de cuisson, j’ai pris des notes avec autant de scrupules que jadis en cours de droit constitutionnel. Je garde jalousement le secret de la pizza fraîche monté sur une pâte à pain moelleuse à l’intérieure et croquante en dessous. Salivez charognards, vous n’en aurez pas une miette.

Le dimanche, c’était la Tante Marisa qui invitait pour le repas de Pâques. Premier plat de lasagnes préparées le matin même par les parents Genovese, suivi de l’agneau, et en dessert, une tarte au citron. Non, ce n’était pas « une » tarte au citron, ce serait lui manquer de respect. C’était LA tarte au citron, à faire pâlir de jalousie Bree Van de Kamp. Il faut dire que le jardin de Marisa comptait une demi douzaine de citronniers, chacun pliant sous le poids de leurs fruits. Un parfum indescriptible…

J’ai repris le bus depuis la Marina le lundi à dix-sept heures, après avoir dissuadé la mère de Francesca qui en plus des cinq kilos d’oranges, insistait pour me faire emmener la moitié du contenu de son frigo. (« pour la route ! » oui enfin je m’arrête à Sienne, pas besoin de me donner de quoi tenir jusqu’à Copenhague !).

Il manque à cette lettre pour que son récit soit fidèle à l’expérience, les couleurs de la Sicile, et les odeurs des jardins. Il y manque le goût exquis des plats les plus simples, et des produits frais, et les parfums sucrés des fruits qu’on mangerait à même les arbres. Il manque les tons et les musiques du dialecte sicilien, qui donne à ces scènes et à ces conversations ce petit quelque chose qui rend les instants magiques et les souvenirs inoubliables : une petite touche d’authentique dans ce monde moderne.

C.

vendredi 14 mars 2008

Le plus beau Carnaval du monde

C'était au programme du dernier voyage organisé par le groupe Erasmus de Sienne : 1er, 2 et 3 février, trois jours entre Vérone, Venise et Pavie à l'occasion du Carnaval.

Brûlons les étapes :

Branle-bas de combat au matin du samedi 2 février, bien après l'aurore – considérant que le vendredi soir avait été…festif – et départ pour Venise. Deux heures de bus et vingt minutes d'un train régional au maximum de sa capacité (affluence métro ligne 4 à l'heure de pointe) le tout avec ce sentiment indicible d'ivresse mêlée d'excitation : je vais à Venise, au Carnaval. C'est historique ! La météo a été contre nous tout le week end. Au mieux, il faisait gris, température novembre lillois, humidité printemps breton. (pardon Etienne, mais c'est vrai quoi !) Ce samedi à treize heures, il pleuvait à verse. Nous devions impérativement reprendre le train de dix-sept heures, ce qui ne nous laissait que très peu de temps pour profiter de la ville et des festivités. Sachant qu'en période normale, il est déjà suffisamment difficile de circuler dans les rues de Venise, pendant le Carnaval les temps de trajet sont élevés au carré. Ma décision était prise : compte tenu de la foule et du timing serré, hors de question que je passe une seule minute à attendre Truc qui veut s'acheter des clopes, Machine qui veut photographier chaque pont, Bidule qui veut essayer chaque masque de chaque boutique. De toute façon, avec la foule et le flot continu, impossible de se déplacer en groupe sans en semer les membres. Non, le Carnaval de Venise, puisque je dois le faire au pas de course, je veux le faire seule. Et en commençant justement par éviter l'autoroute à touristes que constitue la rue principale reliant la gare à la place St Marc, aussi praticable que l'A6 aux abords de Villefranche un jour de chassé-croisé. Carte détaillée à la main, je m'en vais me perdre dans les ruelles humides de la Mystérieuse (aujourd'hui d'ailleurs carrément trempées.) Bon, ça n'a pas traîné, je me suis effectivement perdue ; Venise peut être taquine. Je suis tombée par hasard sur un marché, au bord du Canal Grande. Un vrai, un authentique marché. Des étalages entiers de tous les fruits de la création, une véritable mosaïque de couleurs et de parfums, assez fort pour détromper le gris du ciel et l'odeur de la pluie. Laquelle dégoulinait des chapiteaux, créant une lumière étrange, rehaussant encore l'éclat de ces couleurs, en contraste profond avec cette journée si maussade. J'avais trouvé le soleil, dans les interpellations des marchands, dans les accents colorés du Sud et d'ailleurs, dans les K-way fluos des quelques touristes venus s'égarer dans cette parcelle d'authentique au beau milieu de cette cité-artifice. C'était beau, d'une beauté simple, de celles qui vous arracheraient un sourire ou même une larme, malgré vous. À y repenser, ce spectacle ci valait bien plus que celui qu'offrait la place St Marc. À vrai dire, la place, on ne la voyait plus. Elle était littéralement noire de monde. Je me demande encore comment il avait été possible d'y acheminer autant de personnes, sachant que les rues d'accès n'en laissent passer que deux de front. Il devait s'agir du résultat d'un flot ininterrompu depuis les premières heures du matin. L'atmosphère était étouffante, on se sentait noyé, et la pluie battante accentuait cette sensation. Je suis donc allée trouver refuge dans le Palais des Doges, lequel était opportunément désert. Je me suis fait plaisir, faisant durer la visite autant que possible. Fresques, sculptures, architecture remarquable, meubles, peintures, plafonds renversants témoignaient de la fantastique richesse de Venise la marchande. Les salles d'exercice du pouvoir, salles de Conseil, salle des Sages transpiraient l'Histoire, et leurs couloirs la conspiration. Les salles d'exercice de la justice sentaient encore le solennel, et la tension y était perceptible. Autant que les prisons, les cachots du sous-sol et le Pont des Soupirs avaient gardé dans leurs murs la souffrance et la peur de ceux dont ils avaient vu s'éteindre les dernières heures. Un peu de silence et de solitude en ce jour à Venise valait son pesant d'or. Au dehors, la place ne désemplissait pas. Il fallait à présent se hâter de rejoindre la gare, car il y avait du chemin à faire. On n'avançait pas, on piétinait. De temps à autre, la foule stoppait net, encerclant une ou deux personnes costumées, afin de les prendre en photo. Une avalanche de flash digne de la descente des marches à Cannes. C'était Disney Land, quand les gosses voient arriver Mickey et Pluto. Au final, comme on dit dans la famille, j'ai trouvé que « le Carnaval de Venise, c'est très surfait. » Je me garde d'émettre un jugement définitif, n'ayant pas pu assister à un spectacle ni un quelconque défilé. Cependant, je reste convaincue que Venise comme son Carnaval sont victimes de leur renommée ; ce qu'il y avait d'authentique n'a été préservé que sous forme commercialisable. Ce qu'il y avait de traditionnel a été noyé par l'affluence. Mon jugement est d'autant plus sévère que la veille, j'avais assisté au Carnaval de Vérone.

Vérone. Quatre heures de bus depuis Sienne ce vendredi matin, et nous voilà arrivés sur le coup de midi. La ville était sur son trente et un, prête à faire bonne impression malgré un temps boudeur. Porte d'entrée imposante, rues larges soigneusement pavées, et devant, massif, se dresse un colisée. Belle entrée en matière. Nous avions la journée. J'ai fait équipe avec Alix et Mariella pour cette visite. Alix est française, mieux, elle est lilloise, originaire de Marc-en-Baroeul. Vous me direz, le monde est petit, surtout qu'elle fait ses études à la fac de droit, rue de Trévise, bibliothèque au sein de laquelle je passe le plus clair de mon temps. Autant vous dire tout de suite que ce duo-ci est fait pour survivre à l'Erasmus. Mariella aussi est française, mais je ne l'avais jamais rencontrée avant ; je sors rarement avec les Erasmus, préférant la compagnie des autochtones (en vue d'une meilleure immersion culturelle et linguistique, bien sûr, rien à voir avec le charme brun ténébreux de l'italien moyen). Nous avons donc fait connaissance ce jour-là. Mariella est Corse, vit à Paris, mais a passé pas mal de temps à Montreal. Le courant est bien passé. Extrait de conversation :

« -et t'habites où à Sienne ?

-via di Vallerozzi

-non sans blague ! Moi aussi !

-arrête ! où ça ?

-Près de la salle de gym.

-à laquelle je suis inscrite depuis octobre et que je fréquente avec une assiduité digne de celles que je réserve à mon cours de droit constitutionnel ?

-celle en face de l'épicerie ? Ben ouais moi aussi j'y vais souvent !

Un doute affreux me submerge. Mariella est une amie d'Alix, je sens le coup monté. Elles se moquent de moi.

-quel numéro ?

-28. Et toi ?

-29 !!!

Tout ceci est ridicule. Elle est censée être ma voisine depuis septembre et je ne l'aurais jamais vue ? Impossible. On me ment, on me trompe, ON SE PAIE MA TETE.

-Bon. Raisonnons. Si t'es effectivement inscrite à cette salle de gym, tu connais forcément le mec italo-colombien.

Elle roule des yeux exaspérés

-Oh là là quel boulet celui-là ! »

J'éclate de rire. C'est bon, elle a passé le test, aucun doute possible quant à sa réaction. L'italo-colombien est un habitué-drogué de la salle de gym qui s'imagine que les jeunes filles en fringues de sport dégoulinantes de sueur viennent ici pour se faire draguer par un mec qui passe son temps à se regarder dans les glaces en vérifiant que ses cheveux sont bien en place (il n'a pas de muscles, c'est une asperge.) Il me ferait mourir de rire s'il ne m'énervait pas. Visiblement, il obtient le même résultat avec Mariella.

C'est ainsi que les trois greluches que nous sommes sont parties à la recherche du balcon de Juliette, parce qu'à part ça, je ne savais pas trop ce qu'il y avait à voir à Vérone. A posteriori, je vous dirais que tout est à voir. C'est une ville merveilleuse, d'une beauté que ni la pluie ni la grisaille n'ont su ternir. C'est une Venise en mieux : le même style architectural, aux accents orientaux, mais avec la vie en plus : rideaux aux fenêtres, fleurs aux balcons, commerces, vitrines ordinaires, passants, autochtones attablés dans les cafés. Après avoir erré au détour de ces rues d'un charme sans nom, nous l'avons finalement trouvé, ce fameux balcon. Mais alors, circulez, rien à voir, d'autant que c'est bien écrit dans le guide qu'on ne sait même pas si Juliette a vraiment vécu là, ni si ce balcon est bien le sien. Ce qui n'empêche pas les touristes de faire la queue (et de payer !) pour se faire photographier sur ledit balcon. L'attraction romantique du jour était ailleurs. C'est le porche d'accès à la petite cour qui avait retenu mon attention ; un petit tunnel d'une dizaine de mètres de long, entièrement peint en blanc. Enfin, à l'origine. Les murs étaient à présent recouverts de milliers de tags et d'inscriptions, superposés les uns sur les autres. Des milliers de messages d'amour, de toutes les couleurs. Des noms, des dates, des cœurs, des citations, de petites phrases et de grandes maximes, dans toutes les langues du monde entier. C'était touchant, et tellement impudique, d'être témoin de toutes ces promesses et de toutes ces passions. Allez à Vérone pour la beauté du lieu, et allez voir le balcon de Juliette pour le romantisme de la scène. Mais pas au balcon ; arrêtez-vous sous le porche.

Si les gars du Groupe Erasmus nous avaient amenés à Vérone ce jour-là, c'était à l'occasion du Carnaval. Et sur les seize heures, le défilé est parti. C'est une fête populaire comme celles de ma jeunesse, de celles qu'on aimerait voir plus souvent. Il y avait tous les âges, et tous les animaux de la création, et ceux de l'imaginaire. Il y avait des ribambelles de majorettes, des traditionnelles, des anglaises, d'autres à l'américaine, si légèrement vêtues qu'elles n'auraient pas eu à rougir devant les pompoms lilloises (c'est vous dire !). Il y avait toutes les époques, des Romains à l'Egypte, des marquises aux rois jusqu'aux extraterrestres. Il pleuvait des confettis et du papier de toutes les couleurs. Hauts parleurs et fanfares mêlaient leurs musiques dans une cacophonie explosive. Partout, des rires et des applaudissements, quelques pas de danse le temps de quelques notes. Il pleuvait sur Vérone ce jour-là, mais le soleil était bien là, défilant dans les rues, réchauffant les cœurs, libérant les esprits. Comme un éclat de rire.

Plus tard, nous étions attendus à l'Alter Ego, un boîte en banlieue de la ville, pour un dîner-buffet suivi d'une soirée costumée. Ouais enfin, les italiens sont plutôt coquets dans le genre, et les Erasmus assez frileux ; je gardais un souvenir assez net de la dernière tentative de soirée à thème tentée par le Groupe Erasmus, « chapeaux et lunettes », à laquelle je fus une des rares à participer. J'étais donc fort peu disposée à investir dans un costume, surtout si c'est pour être le seul zèbre à être déguisé…Mais une paire de collants rayés plus tard, j'étais finalement déguisée…en zèbre. (maquillage adéquat à l'appui.) La bonne surprise était que j'étais loin d'être la seule à m'être prêtée au jeu ; j'ai ainsi pu passer ma soirée à harceler des inconnus à grands renforts de flash (« wouah trop cool ton costume, je peux te prendre en photo ?!! ») Jules César, Amy Winehouse et Britney Spears, Shreck, Alice au Pays des Merveilles (accompagnée du Lapin, du Chapelier et de la Reine de Cœur), Peter Pan (Wendy, Clochette, Crochet et les Pirates), une myriade de Zorro (les Espagnoles avaient toutes eu la même idée… !) Bref, un vent de folie soufflait sur cette discothèque ce vendredi soir…

Pavie, c'est assez moche. Il y a bien une antique chapelle entièrement peinte par Giotto, mais la préservation des fresques oblige le musée à réguler les visites version NASA, dix minutes par groupe de vingt personnes avec sas de décompression et désinfection aux entrées-sorties… J'exagère à peine. Et puis moi, je préfère flâner dans les musées, avec un guide sympa qui raconte des anecdotes, et pas me faire trimballer à droite à gauche par l'adjudant-chef avec un vigile qui me souffle dans le cou.

Ce fut donc un excellent et très intense week end, riche en surprises : les italiens aussi savent se prêter au jeu des déguisements (ce n'est pas qu'une spécialité scpo lille), en Italie aussi, parfois, il pleut (pendant tout un week end), la ville la plus romantique du monde n'a pas de gondoles (mais se munir d'un parapluie), le plus beau carnaval du monde n'est pas celui qu'on pense…

C.

jeudi 10 janvier 2008

Fiat Lux...


C’est une tradition familiale, devenue tradition personnelle, devenue exutoire annuel et moment d’introspection privilégié : le bilan. La perspective du passage à la nouvelle année est propice à la prise de bonnes résolutions, car la nature a horreur du vide, et la feuille blanche du neuf attend d’être remplie. Mais avant de s’en préoccuper, il convient de faire le bilan du chemin parcouru.

Je suis satisfaite des Résolutions 2007. Dans l’ensemble, elles ont été correctement suivies, tant les grands principes volontairement vagues et généraux que les dispositions particulières composées d’objectifs précis à atteindre. Je renouvelle une feuille de route similaire pour 2008, puisque la formule est efficace. Mais pour 2008, je me fixe un objectif en plus, une mission bien particulière…choisir. C’est étonnant, un choix. Certains sont morts pour permettre aux générations futures de l’avoir, d’autres se tuent pour ne pas avoir à en faire. On hurle et se plaint quand on ne l’a pas, et par moments, préfèrerait ne pas l’avoir. En fait, on n’y échappe pas. Si pour avancer dans l’espace, il faut mettre un pied devant l’autre, chaque mouvement qu’on fait dans le temps est un choix. Tourner à droite, rentrer chez soi, partir, revenir, choisir ses amis, son école, ses études, choisir un nom pour son poisson rouge, un mot de passe pour sa boîte mail, choisir ses mots quand on parle, choisir d’entendre sans écouter, choisir d’aller, ou de rester. Choisir entre poulet ou poisson, entre le vert et le bleu, entre colère et pardon. Tant de choix qu’on fait sans s’en rendre compte, et d’autres qui nous coûtent chaque fibre de volonté. Je sais que je déteste choisir, sans doute autant que j’aurais haïs vivre sans avoir le choix. Ce paradoxe me rend folle de rage à chaque fois que je me retrouve sur la corde raide devant cet éternel problème, qui porte en lui-même sa solution : le choix. Oui, 2008 sera l’année du choix, d’un choix important dont je n’ai cessé de repousser l’échéance. Mais cette année, il va me falloir décider UNE direction. Je n’ai jamais su ce que je voulais faire « plus tard », « quand je serais grande ». Je répondais « maîtresse d’école » parce que c’est mignon, et qu’ensuite les adultes vous foutent la paix. La vérité est que je ne me suis jamais vue dans aucun métier. J’ai fait une filière scientifique parce que c’est là qu’on envoie les « bons » élèves, et que « ça ouvre toutes les portes ». Force m’a été de reconnaître que mon piètre niveau en logique mathématique m’aurait empêchée de devenir ingénieur. Tragédie pour la profession (ou pas), il m’a fallu renoncer à cette voie. (pas vraiment de regrets, je vous rassure.) Maintenant je fais « sciences po » toujours parce que « ça mène à tout ». Mais on ne peut pas aller « partout », et un jour ou l’autre, on finit par arriver à la croisée des chemins. Je sens que ce jour approche, et j’aimerais éviter d’avoir à tirer à la courte paille ou à pile ou face, comme j’ai fait pour choisir un lycée. C’est assez moyen comme technique de choix. À chaque fois que j’ai dû en faire un crucial, et que j’ai suivi la voie de la raison au lieu d’écouter mes tripes, je me suis plantée. Voilà au moins une leçon valide que j’ai apprise au cours de ces années de choix. La meilleure raison, celle qui gagne sur toutes les autres est sa raison à soi, celle qu’on ne parvient pas à expliquer, parfois même pas à soi-même, celle que personne ne comprend. Une chose est sûre, je n’essaierais pas d’expliquer à qui que ce soit pourquoi je suis prête à partir en poste à l’autre bout de la terre du jour au lendemain ; si je laissais passer une telle opportunité, je le regretterais toute ma vie. (Je doute que ma grand-mère puisse comprendre ça…) Ce sera mon deuxième critère de choix : les regrets. Rien de pire, et rien de pire que de regretter en négatif : regretter de ne pas, ne pas avoir fait, ne pas avoir dit. L’erreur en soi n’est pas source de regrets, surtout si on tire une leçon de son erreur. Ne pas faire l’erreur peut être une source de regrets bien plus terrible que toutes les conséquences que l’erreur aurait pu entraîner. J’ai aussi appris cette leçon, et je n’ai jamais plus laissé passer un non-fait, ni un non-dit. Parce qu’il n’y a rien de pire que d’avoir des regrets, on en garde le goût en bouche pour des années.

2008 sera donc l’année du choix de carrière. La perspective de faire face à ce choix me tourmente, et le fait d’en souffrir me remplit d’une culpabilité autrement plus douloureuse : j’ai la chance d’avoir ce choix. Je me plains des tourments qu’il m’apporte, mais je garde à l’esprit que c’est une chance incroyable que d’avoir ce problème, et surtout, de ne pas en avoir d’autres que celui-ci. Non, mon objectif pour 2008 ne sera pas de survivre à la guerre, à la famine ou à la maladie, ce ne sera pas de lutter contre la dépression, ce ne sera pas trouver à tout prix un moyen de subsistance. Non, mon objectif pour 2008 est de décider si je veux être avocate ou fonctionnaire, cadre en entreprise ou en administration, si je veux vivre en France ou travailler à l’étranger. C’est terrible d’avoir le choix, mais la chance et les privilèges dont la vie m’a fait grâce m’interdisent absolument de m’en plaindre. De quoi pourrais-je objectivement me plaindre ?

2008 sera donc l’année du choix. Il va falloir fermer les portes qui font courant d’air et donc distraction, et se focaliser sur une seule direction. Après, advienne que pourra, et je pourrais toujours changer de cap en cours de route. Après tout, un choix n’engage que jusqu’au prochain…

Résolutions 2008

Titre I : Les Grands Principes

N#1 : Prendre des bonnes résolutions

N#2 : Les tenir.

N#3 : Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas où mènent les chemins qu’ils mènent tous au même endroit.

Même dans le noir, il faut choisir…

N#4 : « Appuyez vous sur les principes, ils finiront bien par céder. » Oscar Wilde.

Avoir des principes, c’est bien. Savoir s’en détacher à l’occasion, lorsque les circonstances l’exigent, c’est mieux.

Titre II : Défis et Challenges.

N#5 : Faire un choix de carrière.

N#6 : Soigner mes langues étrangères, écrit et oral : objectif 4 fluent.

N#7 : Etudier RE-GU-LIE-RE-MENT ! Planning, to do lists and so on : LES SUIVRE ! (Bordel de m… !)

N#8 : Trouver un stage rémunéré ou un job abroad.

N#9 : Ne pas lâcher la plume… Keep posted.

Titre III : Dispositions d’ordre général

N#10 : PRENDRE LE TEMPS. Personne n’a jamais le temps, il faut le prendre…

Prendre le temps de cuisiner. - Halte à la malbouffe étudiante !

Prendre le temps de s’aérer, faire du sport. - Quoi de plus urgent que de se maintenir en bonne santé ?

Prendre le temps de creuser les sujets qui m’intéressent, au diable le superflu. Je ne prends d’ordres de personne !

Prendre le temps de rentrer plus souvent – et pas seulement à Pâques, ou à la Trinité…

Prendre le temps d’écrire… de raconter.

« un jour où on ne ferait rien d’imprévu est une journée perdue ! »

Prendre le temps de le perdre … !

N#11 : « Le vrai courage, c’est de savoir affronter ses propres peurs ». Et il est grand temps de me défaire de mes peurs irrationnelles : téléphone, voiture, perte de contrôle.

N#12 : Pour garder le contrôle :

Pourquoi je m’énerve ? Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? Est-ce que ça aide ?
Comment en suis-je arrivée là ? Comment éviter de m’y retrouver à l’avenir ?
Quelle est ma part de responsabilité dans ce qui arrive ? Quelle est la part de fatalité ?

En toutes circonstances : j’assume.

N#13 : J’écoute.
Ce que les autres ne disent pas est ce qu’ils ont de plus important à dire.

N#14 : ne pas remettre à demain ce que je sais pertinemment que je ne ferai pas demain. Ce qui est à faire doit être fait, et ce qui est fait n’est plus à faire ! (C’est d’une logique, quand on y pense !)

N#15 : OSER !
L’audace est cette touche de piment qui relève le quotidien… Le risque est le prix de bien des belles choses…

N#16 : Faire en sorte de ne rien regretter !

N#17 : Plus tôt on se trompe, moins c’est grave. Plus on se trompe, plus on apprend. À méditer.

2008: année du choix…

Auguri...

A tutti.... AUGURI DELLA SICILIA !!!!!

A tous, je vous souhaite le meilleur de cette année 2008, que la vie reste toujours incertaine, imprévisible, que chaque jour reste une surprise du lever du soleil au coucher de la lune.

Meilleurs voeux pour 2008, en direct de la Sicile, repas de famille a l'italiana, que je ne manquerai pas de vous raconter comme à mon habitude. Le champagne est francais, et je le boirai A LA VOTRE !

Un bacio a tutti, tanti auguri per il futuro... !

C.

La Laurea

Décembre 2007

A Antonio M.
Il più italiano degli italiani
Tanti auguri per il futuro, per la nuova vità che si apre in questo giorno particolare.
Tanti auguri per la tua laurea, mercoledi 12 dicembre 2007.
Grazie
C.

Facoltà degli studi di Siena, quinze heures trente. La famille, les amis, tous sont venus assister à la remise de diplôme de la dizaine d’étudiants glorieusement libérés ce jour de cinq ans d’études. Le hall fourmille de gens bien habillés, talons aiguilles, costumes et cravates contrastant avec l’indémodable jean baskets des étudiants. La porte d’une salle s’ouvre, et une étudiante sort, suivie d’un groupe de gens qui la félicitent chaleureusement. Quelques minutes plus tard, elle est rappelée dans la salle avec ses invités. Un tonnerre d’applaudissement gronde à l’intérieur, et la jeune fille ressort couronnée de lauriers. J’avais déjà eu l’occasion d’observer ce rituel étrange, mais aujourd’hui, j’y participe ; mon ami Antonio est le prochain appelé.

Nous entrons dans la salle. Devant, une table de six professeurs en robe noire et écharpe violette. Le président du jury est reconnaissable à l’écharpe blanche et noire qu’il porte sur son épaule droite. Face à l’imposante tablée, une chaise : la place du candidat. Cette étape s’appelle La Discussione. Les professeurs posent des questions ayant rapport avec la thèse de l’étudiant. Cette discussion, ou débat, peut durer de dix à quarante cinq minutes (quinze en moyenne). Quoiqu’il advienne, le candidat obtiendra son diplôme à la fin de la session, ce n’est pas à proprement parler un examen, même s’il y a bel et bien une note décernée, car l’enjeu n’est pas le diplôme. Autrement dit, on ne remet pas en cause cinq ans d’études sur la base d’un oral, au cours duquel on ne pose pourtant que des questions portant de près ou de loin sur la thèse du candidat. Le principe m’a tout d’abord surprise. Comment, votre « Grand’O » à vous ne porte pas sur absolument n’importe quel sujet, de n’importe quelle année et de n’importe quelle section (une chance sur cinq seulement de tomber sur un sujet propre à votre section !) mais il porte sur votre sujet de mémoire ! Vous n’avez pas droit à une heure de préparation sans documents, mais à six mois de recherches et tout le matériel dont vous pouvez rêver ; enfin, on ne décide pas de l’attribution ou non de votre diplôme sur votre seule performance à cet oral. Vraiment étrange, comme système. Mais laissons de côté la mauvaise foi qui m’aveugle, et revenons à nos moutons. Nous ressortons tous ensemble de la salle d’examen, derrière Antonio franchement couronné des traditionnels lauriers. Il est plus que temps de fêter cela dignement, alors en route pour l’apéro dans un café du coin, où famille et amis trinquent joyeusement à la santé du nouveau diplômé, tandis que les bouteilles de Prosecco envoient voler leurs bouchons aux quatre coins de la pièce. Puis, délocalisation de la fête sur la Piazza del Campo. Une dizaine seulement d’étudiants s’étaient diplômés le même jour, et en cette saison hivernale, ils avaient semble-t-il choisi d’autres lieux, couverts, chauffés, afin de célébrer l’événement avec les leurs. Pauvres fous, car malgré la température hostile, le cœur de Sienne était ce soir-là le plus bel endroit de la terre. Il y avait la lumière dansante de l’eau de la Fonte Gaia, il y avait les lanternes des terrasses désertes à cette heure là, il y avait la rumeur de la rue, les pas pressés des passants dans le froid, il y avait l’air de décembre, le ciel de velours et les étoiles de la voûte, et en dessous, il y avait nous, le vin pour réchauffer la gorge et les rires pour réchauffer le cœur. À vingt heure trente, nous avions rendez-vous au restaurant, réservé pour une trentaine de personnes : famille, amis proches, il faut dire que ce sont cinq ans d’études, cinq ans d’une vie dans une ville qui n’était pas la sienne, mais qui l’est devenue, dont on fête ce soir la conclusion. Trois jours plus tard, c’était à grands renforts de larmes que nous souhaitions bon voyage à Antonio, actuellement en stage quelque part au fin fond de la Bulgarie. Le dîner ce soir là, avait des airs de dernier repas, et la fête avait ce goût doux-amer des veilles de grand départ. Il y avait la chaleur de la joie, la joie de se retrouver tous ensemble à célébrer une victoire, mais teintée de nostalgie, celle d’un temps révolu…Qu’on regrette déjà. La fin d’une époque. J’ai connu Antonio il y a deux mois à peine, mais pour les autres, ce sont cinq ans d’habitudes et d’amitiés, de compagnon de bringue, de voisin de bibliothèque qui finissent aujourd’hui. Il y a eu du vin ce soir là, beaucoup de vin qu’un charmant petit blond aux yeux verts s’obstinait à verser dans mon verre en dépit de mes protestations (fort peu sincères, je vous l’accorde. Il avait de très beaux yeux verts.) Le repas fût évidemment un festin, j’y ai même eu l’occasion de découvrir une recette de pâtes que je ne connaissais pas encore, après trois mois, rendez vous compte ! Il s’agit des pici al cacio e peppe, on fait difficilement plus simple, et on fait difficilement meilleur : fromage fondu sur les pâtes et poivre. J’ai renouvelé l’expérience et je m’émerveille encore devant ce plat d’un délice rare. À chaque fois, il me rappelle cette folle soirée, au cours de laquelle le vin s’est bu au rythme des chansons et des « brindisi » ! (un toast ! ) Nous avons bu à la santé de tous, surtout d’Antonio, mais également de l’Italie, de la France, de l’Erasmus, de Zidane, de politiques italiens que je ne connaissais pas. Nous avons chanté des airs que je ne connaissais pas (« ti canterò come se fosse una canzone… ») et ri à pleine gorge. Plus tard, nous sommes repartis déambuler dans les rues de la ville déserte, toujours chantant à pleine voix, nous laissant aller à toutes sortes de comportements que la morale réprouve, que le vin autorise et que l’ivresse pardonne.

C’est une belle gueule de bois qui m’attendait le lendemain, et une dégaine de vampire après un banquet ; je m’étais demandée pourquoi le domaine de provenance de ce vin dont nous avions abusé s’appelait « ciliegio », littéralement « le cerisier. » À en juger par la teinte cramoisie de mes lèvres et gencives, j’ai la réponse. On aurait dit que je m'étais enfilée trois kilos de cerises noires, et même le signal plus blancheur n’a rien pu faire sur le moment. Qu’importe, ma tronche de vampire (pâleur et yeux bouffis qui vont avec) et moi-même avons mis à profit les heures perdues d’un lendemain de soirée arrosée à errer dans la ville, portés par le vent de décembre. Sienne était une carte postale ce jour-là, la pâle lumière de l’hiver lui avait volé ses couleurs, mais les illuminations de Noël réchauffaient son cœur. Trois jours plus tard, un autre ami se diplômait, et célébrait l’événement sur le modèle plus traditionnel de la house party. Je suis restée à l’écart du cubis de ciliegio sur conseil expresse de mes tripes. Antonio partait le lendemain. C’était la dernière soirée, et je me suis laissée surprendre ; j’avais oublié à quel point c’était difficile de dire au revoir à un ami. Un ami, ça ne se perd pas, pas après cinq, dix ni vingt ans. L’amnésie est la seule cause naturelle de fin d’amitié. Mais se séparer d’un ami sans savoir quand est-ce qu’on le reverra la prochaine fois, ça reste une déchirure, et la douleur est insupportable. J’avais oublié, et j’étais inconsolable, notamment parce qu'il n’était que le premier. Dans quelques mois il me faudra repartir, rentrer à Lille, et laisser derrière moi tous les amis que je me suis faits et que je me ferais encore cette année, sans savoir quand est-ce que je les reverrais. La douleur des adieux à Antonio est encore présente dans ma gorge, et la perspective d’être moi-même celle qui partira, de ne pas pouvoir pleurer avec ceux qui restent me glace le sang. Il est tellement facile de se faire des amis. Pourquoi faut-il qu’il soit aussi difficile de s’en séparer ?

J’écrivais ces lignes depuis l’aéroport de Pise, en attente d’un décollage pour Francfort sans cesse repoussé, en raison du vent, nous dira-t-on plus tard. J’aime l’ambiance des aéroports comme celle des quais de gare, la sensation de liberté qui monte à la tête du voyageur solitaire…tourné vers l’avant, sur le départ. J’aime être spectateur du ballet incessant des retrouvailles et des adieux, ceux qui la jouent sobre, ceux qui sortent les mouchoirs. Les amoureux qui se retrouvent, les embrassades de ceux qui sont enfin réunis… J’essaye de m’habituer, mais il faut se rendre à l’évidence. On ne s’habitue pas à partir ; c’est toujours une violence.


C.