Dimanche, 14 octobre 2007.
Si je vous écris de si bonne heure en cette belle après midi automnale depuis mon lit, ce n’est pas (seulement) parce que nous avons passé la soirée à oublier la défaite de l'équipe de France de Rugby jusqu’aux petites heures du matin, c’est d’abord et avant tout à cause de la bouteille de glace qui immobilise mon pied gauche. Car C. qui ne se blesse pas de façon aussi originale qu’intempestive n’est pas véritablement C., j’ai donc réussi je ne sais trop comment à me faire quelque chose sur le DESSUS du pied gauche. C’est original, c’est un peu comme le coup de soleil sur les paupières. La semaine dernière, c’était le dos qui me faisait souffrir. La cause a rapidement été mise en évidence : en effet, on ne se promène pas dans des rues montagneuses et irrégulièrement pavées de la même façon que sur un macadam lisse et net. Marcher dans les rues de Sienne demande technique et entraînement. Quand ça descend, ça fait pas semblant, il faut bloquer le dos, se tenir en arrière et faire travailler les cuisses et les fessiers, comme à la montagne dis. Et quand c’est plat, c’est pas vraiment plat parce que les pavés, héhé… C’est fait pour se balader au rythme italien, c'est-à-dire lentement, jamais pressé, sans véritable but précis, « facciamo un giro », ou « ci vediamo in giro » (« on fait un tour », « on se verra en chemin ») étant deux expressions révélatrices de ce phénomène. Mais c’est certainement pas fait pour accélérer le pas parce qu’on est en retard et qu’il y a cours dans dix minutes. Un changement de rythme s’impose si je veux ménager mes vertèbres. Ma colocataire m’a sournoisement fait remarquer que j’aurais moins ce problème si je portais des chaussures un tantinet plus adaptées à la situation. Après lui avoir froidement rétorqué que mes Minelli étaient on ne peut plus adaptées à la situation, et que si elle croit que le confort est un critère de choix de chaussure, elle se fourvoie sérieusement, j’ai finalement abdiqué devant ce qui me frappait comme étant un argument de pur bon sens. Je porte désormais quotidiennement mes très sexy basket spécial jogging-sur-le-bitume (recommandées par le vendeur de Go sport) à des fins strictement thérapeutiques. Ce qu’il y a de positif à cette situation, c’est que le ridicule évident de mon look ne déteint absolument pas : le port des basket de sport sur le jean est très courant ici. Pour moi c’est d’une laideur finie, mais mon avis ne semble pas être partagé par la majorité de la population. Voyez vous ça.
A part ce léger désagrément que nous espérons passager (j’ai douze paires de chaussures à exhiber et il faudrait sacrément plus qu’un mal de dos ou des phalanges écrasées pour m’empêcher de parader sur talons hauts NON MAIS), tout va bien, et c’est un euphémisme.
Ce lundi 1er octobre avait lieu la rentrée universitaire. Toute rentrée amène toujours son lot d’anxiété, d’excitation et de surprises, mais le facteur « Italie » multiplie ces paramètres par dix. Je quittais donc mon petit chez-moi sur les huit heures trente, parée comme une écolière un premier jour d’école, d’affaires et de couleurs qui sentent le neuf et l’automne… Après une marche sportive, j’arrivais, optimiste, avec le fol espoir de suivre un cours d’histoire du droit italien, pré-choisi d’après les horaires affichés sur le site de l’université. Evidemment, de façon aussi prévisible que Sarkozy fera les titres du prochain JT, les horaires mis en ligne différaient quelque peu de ceux affichés sur les portes de l’université. Surprise surprise ! Résignée, j’ai repensé complètement mon choix de cours, m’asseyant royalement sur le « learning agreement » que j’étais censée respecter. À d’autres ! « Je suis Erasmus, je fais ce que je veux », selon le très personnel adage que je mets quotidiennement en pratique. Ce changement de programme salutaire m’a permis d’en faire qu’à ma tête pour le choix des cours, et surtout, surtout, de me débarrasser des cours « sciences-po », que j’avais choisis en trainant les pieds de toute façon. Cette année, ce sera du droit, rien que du droit, pour le droit et par le droit. Non parce qu’on commence par suivre un cours de politiques publiques, puis ce sera un cours d’économie, et puis pourquoi pas la socio, et puis c’est la section PES, et on finit au chômage. Ou pire, journaliste. Et alors là, sans moi, je rappelle que je fais une allergie virulente au journalisme, à tel point que je suis incapable de suivre l’actualité française. Si quelqu’un veut bien me dire si on est toujours en république, et si oui laquelle, la seule chose que je suis encore c’est la coupe du monde de rugby. Mais je m’éloigne du sujet.
Pour une quelconque raison que je ne m’explique pas, les cours de droit étaient plus ou moins tous prévus aux mêmes horaires, ce qui rendait le choix extrêmement difficile. Comment choisir entre un cours de droit constitutionnel et un cours de contentieux administratif ? Mon cœur balance et se déchire… Comment choisir ! Après moult hésitations, calculs et combinaisons, j’ai fini par adopter le menu suivant pour le premier semestre :
-Institutions de droit privé : c’était un piège. « institutitions » ne veut pas dire que ce cours traite des institutions. Il s’agit du mot latin « institutiones » qui veut dire les bases, les fondements. C’est le titre du premier manuel de droit romain, voulu et réalisé par l’Empereur Justinien. (j’en sais des choses, vous avez vu ça.) Ce cours est donc un cours d’introduction au droit privé, ce qui me convient parfaitement puisqu’il me donne une vue d’ensemble du droit privé, les clés de compréhension du langage juridique, tous les outils nécessaires à l’exploration de la matière. Excellent choix. Le débit de parole du prof est d’une lenteur soporifique pour les étudiants italien, mais contribue à mon bonheur en me facilitant la compréhension. En plus il écrit les mots latins-juridiques au tableau. Je l’aime.
-Droit pénal romain : ce choix peut surprendre. Je voulais un cours de droit romain, mais impossible d’en choisir un autre, plus général ou plus près de mes préoccupations, tous étaient aux mêmes horaires soit en même temps que mes deux autres cours fondamentaux. Je ne comprends pas grand-chose à ce cours, et je suis incapable de prendre des notes. Madame Pietrini parle trop vite, et surtout avec un trop fort accent toscan (ou accent « hoha-hola », surnommé ainsi par moi car l’accent toscan ignore le « c » placé entre deux voyelles ; « coca-cola » devient donc « hoha-hola ». ça surprend.) et surtout, elle balance à l’occasion des concepts ou citations en latin. Le latin, qui s’écrit comme il se prononce, sauf lorsqu’il est prononcé avec l’accent « hoha-hola » ; c’est un cercle vicieux. Tout ce que je sais, c’est que le droit pénal romain est très violent, il est question de sang et de morts, ce qui rend tout de même la matière intéressante.
-Histoire du droit italien. Le genre de cours qui ne sert à rien lorsqu’il est dispensé par un encravaté qui vous lit son livre. Ce que, vous en conviendrez, vous êtes parfaitement capables de faire seul chez vous. Fort heureusement pour moi, le cours d’histoire du droit italien est dispensé par un professeur qui ne va pas sans rappeler un certain spécialiste de droit constitutionnel bien connu des paliens lillois... Professeur d’âge (très) mûr, Giovanni Minnucci est le président de la faculté, le genre de monsieur sérieux qui refuse de se prendre au sérieux. Celui qui repère tout de suite la petite française au premier rang et qui du coup, fait des efforts d’articulations et appuie ses explications de schémas au tableau, histoire de me faciliter la compréhension alors même que je ne lui ai rien demandé. Celui qui sait rendre vivant des récits autrement poussiéreux, souligner l’intérêt d’un concept, illustrer ses propos d’exemples ou d’anecdotes, qui a des belles cravates. Il me fait des clins d’œil, c’est la classe.
- Droit administratif. Comment s’en passer ? Car certaines, contrairement à d’autres, dorment avec leur GAJA sur la table de chevet, et ont également invité « Hervé » (plus communément appelé Rivero-Waline, R-W) à passer l’année avec elles. Pour ne pas perdre la main, évidemment. Le prof ne fait pas cours, mais il pose des questions, commente et développe des concepts. Lui aussi il a des belles cravates, et même s’il parle vite et avec un fort accent non identifié, j’arrive à participer. Et oui, c’est pas pour frimer mais apparemment c’est nous qu’on a inventé le droit administratif. Certains concepts développés dans le manuel sont en français, et expliqués en italien. Je me marre… Trop facile, surtout que le plus difficile dans l’apprentissage du droit, c’est précisément d’en maîtriser le langage. Les mots ne sont pas substituables, il faut apprendre à manier les expressions ; pour mon plus grand bonheur, je sais déjà parler juridique, et figurez vous que c’est la même chose en italien ; alors que la traduction littérale est généralement déconseillée dans tous les aspects de la vie quotidienne, en droit, ça marche à tous les coups, impeccablement bien. Je jubile.
Au deuxième semestre, on a opté pour Droit constitutionnel italien et comparé, Droit administratif (deuxième semestre, y a pas de raison !) Droit de l’Union Européenne (peut être ma seule chance de goûter au droit communautaire !), Droit du travail (pour le fun et le challenge…) et espagnol parce que j’ai complètement perdu la main et que je veux pouvoir frimer en mettant sur mes CV que je parle français-anglais-italien-espagnol et que j’ai fait neuf ans d’allemand. Ça va bien finir par me servir un jour.
Je vais essayer de reprendre un rythme d’écriture hebdomadaire, histoire de réduire la longueur des mails et donc d’en faciliter la lecture… Mais j’avoue ne passer que TRES peu de temps à la maison ; je mange toujours au resto universitaire (ou "mensa") avec Francesca, sa sœur et des amies, je sors tous les soirs du mercredi au samedi et je passe le plus clair de mon temps en bibliothèque. C’est pas parce que je fais mon Erasmus quatre soirs par semaine de l’apéro jusqu’au bout de la nuit que je me la coule douce le reste du temps ; je suis toujours en mode « Tu bois, t’assumes », et je ne laisse pas la fôôôlie Erasmus empiéter sur mes nombreuses heures de bibliothèque. Je suis en plein fichage-étude de la constitution italienne. J’en entends déjà ricaner certains, d’autres hausser un sourcil incrédule, mais si si si, je bosse. Mieux qu’en France d’ailleurs, parce que la bibliothèque est ouverte de huit heures à vingt-trois heures en semaine et jusqu’à quatorze heures le samedi matin (bon j’ai pas encore réussi à me lever aussi tôt un samedi, mais j’y travaille !). Et quelque chose me dit que le cours de droit constitutionnel italien va être TRES intéressant, à en juger par l’agencement et le contenu de la constitution… Et pis je vais cartonner bien sûr. (soit-dit-en-passant-modestement.)
Je m’arrête là pour aujourd’hui. J’aurais encore beaucoup de choses à raconter, mais c’est bientôt l’heure de l’apéro. Et l’apéro ici, c’est sacré.
C.
1 commentaire:
Ah oui tiens, Institutes - Istituzioni : je n'avais jamais fait le rapprochement et ne comprenais pas bien pourquoi les Italiens étaient tjs préoccupés par les institutions de droit public. Voilà donc que j'apprends du juridique en lisant ce blog. Je n'avais pas besoin d'une bonne excuse pour le lire mais je la prends quand même :-)
Enregistrer un commentaire