Dédicace à tous les étudiants ayant vécu une année d'échange, passés, présents, futurs.
Je m’en souviens très bien, comme si c’était hier, et pourtant, « hier », c’était il y a une éternité. La chaleur étouffante de ce premier jour de septembre et le chant des grillons. L’arrêt du train dans cette gare, l’arrivée aux portes de cette ville. Ces valises que l’on pose enfin, lassé de les avoir traînées depuis si loin. Je me souviens de la douceur du soir, le premier, et de la promenade nocturne dans ces rues mystérieuses – la première.
C’est fou ce qu’aujourd’hui peut ressembler à hier. Ce soleil, cette chaleur, et cette gare. Celle d’où je partirai. Sauf que je ne suis pas à la gare. Je suis assise sur les pavés de la Piazza del Campo. Le soleil descendant retire progressivement ses rayons de la place, et les badauds s’empressent d’envahir l’espace ombragé. Et pourtant, à la gare, j’avais bien prévu d’y aller, afin de réserver mon billet de train. Je suis bien sortie de la maison, mais au lieu de descendre à gauche, j’ai pris à droite, vers le centre, comme d’habitude. Par réflexe, inconsciemment sans doute. Mais lorsque je me suis rendue compte de mon erreur, je n’ai pas fait demi tour. J’ai continué à avancer sans raison. Avant même que je ne le comprenne, je suivais les traces de mes propres pas de cette fameuse nuit-là ; la première. Et me voilà assise sur la place, à essayer de comprendre. Où suis-je ? Sur le départ. C’est la fin, mais voilà deux mois que la date avait été fixée. Deux mois que j’avais mis à profit à m’habituer à l’idée. Je croyais y être arrivée, en avoir pris conscience. Et voilà que je me retrouve incapable de marcher vers la gare. Comme si accomplir l’acte, effectuer la réservation, rendait la chose officielle. Impérative. Concrète. Réelle. Inévitable. « La chose ! » : L’heure du retour.
Je me sens comme on se sent bien assis dans son fauteuil, finissant un bon livre. De ceux que l’on a vraiment aimé lire, et dont on aurait voulu qu’ils puissent durer pour encore quelques pages. De ceux que l’on aimerait ne pas avoir finis, pas tout de suite. Alors, au moment de les refermer, on ne se lève pas. On reste encore pendant quelques instants assis dans ce fauteuil, ce livre dans les mains. Et on savoure cet instant comme un moment présent, avant qu’il ne devienne un souvenir. On est bien. On laissera passer quelques temps, et puis, un de ces jours, juste pour le plaisir, on le relira, ce livre. Bien sûr, on ne retrouvera jamais la sensation de la première lecture. La découverte, l’attente, le suspense, l’appréhension. Les surprises, les rebondissements. La satisfaction d’un bon dénouement. Ce ne sera plus pareil. Ce ne seront que des souvenirs. Mais peu importe, parce qu’entre temps, on en aura lu d’autres.
Cette année aura été un de ces livres-là. Une histoire incroyable, des rencontres improbables, des événements rocambolesques, le tout sorti de l’immagination d’un auteur loufoque – ou d’un buveur d’absinthe. Et moi lectrice candide, je m’y suis laissée prendre. J’ai vécu chaque instant avec cette héroïne comme si j’y avais été. Je me suis attachée à tous les personnages, et je m’en sentais proche comme si j’avais partagé un épisode de leur vie. Je me suis laissée porter par le fil comme on se laisse envoûter par une mélodie, hyptoniser par un bon film. Et puis soudain, sans prévenir, le moment est arrivé de tourner la dernière page. C’est un véritable choc, une surprise qui n’aurait pas dû l’être. Mais il n’y a rien à faire à part…en profiter. Alors, j’en profite, assise au creux d’une des plus belles places du monde en lieu de fauteuil, je feuillète mes souvenirs en guise de pages. Bien sûr, à Sienne, je pourrais y revenir. Mais ce ne sera plus pareil. Il n’y aura plus toutes ces premières fois. En revanche, nombre de mes habitudes ont commencé à prendre des airs de « dernière fois » récemment. Dernière fois que j’assiste à un cours. Dernière fois que je petit-déjeune dans ce bar. Dernière fois que je sors de cette bibliothèque. Dernière fois que je passe un examen. Dernière fois que je vois telle personne. Dernière fois que je raconte un chapitre de mon année dans un billet.
Mais j’avance un peu vite en besogne, car l’année n’est pas finie. Il me reste dix jours de cette vie, dix jours dont je compte profiter au maximum. Et puis, il reste le Palio et les préparatifs des jours qui le précèdent. L’apothéose de cette année, en quelque sorte. Le bouquet final. Il s’agit de ne pas ternir ces derniers jours de l’amertude et de la nostalgie qu’inspire l’imminence du départ. Après tout, partir, c’est bien aller quelque part. Et il n’y a pas que des amis qui se quittent ; il y a aussi des gens qui se retrouvent, sur le quai d’une gare.
Je m’en souviens très bien, comme si c’était hier, et pourtant, « hier », c’était il y a une éternité. La chaleur étouffante de ce premier jour de septembre et le chant des grillons. L’arrêt du train dans cette gare, l’arrivée aux portes de cette ville. Ces valises que l’on pose enfin, lassé de les avoir traînées depuis si loin. Je me souviens de la douceur du soir, le premier, et de la promenade nocturne dans ces rues mystérieuses – la première.
C’est fou ce qu’aujourd’hui peut ressembler à hier. Ce soleil, cette chaleur, et cette gare. Celle d’où je partirai. Sauf que je ne suis pas à la gare. Je suis assise sur les pavés de la Piazza del Campo. Le soleil descendant retire progressivement ses rayons de la place, et les badauds s’empressent d’envahir l’espace ombragé. Et pourtant, à la gare, j’avais bien prévu d’y aller, afin de réserver mon billet de train. Je suis bien sortie de la maison, mais au lieu de descendre à gauche, j’ai pris à droite, vers le centre, comme d’habitude. Par réflexe, inconsciemment sans doute. Mais lorsque je me suis rendue compte de mon erreur, je n’ai pas fait demi tour. J’ai continué à avancer sans raison. Avant même que je ne le comprenne, je suivais les traces de mes propres pas de cette fameuse nuit-là ; la première. Et me voilà assise sur la place, à essayer de comprendre. Où suis-je ? Sur le départ. C’est la fin, mais voilà deux mois que la date avait été fixée. Deux mois que j’avais mis à profit à m’habituer à l’idée. Je croyais y être arrivée, en avoir pris conscience. Et voilà que je me retrouve incapable de marcher vers la gare. Comme si accomplir l’acte, effectuer la réservation, rendait la chose officielle. Impérative. Concrète. Réelle. Inévitable. « La chose ! » : L’heure du retour.
Je me sens comme on se sent bien assis dans son fauteuil, finissant un bon livre. De ceux que l’on a vraiment aimé lire, et dont on aurait voulu qu’ils puissent durer pour encore quelques pages. De ceux que l’on aimerait ne pas avoir finis, pas tout de suite. Alors, au moment de les refermer, on ne se lève pas. On reste encore pendant quelques instants assis dans ce fauteuil, ce livre dans les mains. Et on savoure cet instant comme un moment présent, avant qu’il ne devienne un souvenir. On est bien. On laissera passer quelques temps, et puis, un de ces jours, juste pour le plaisir, on le relira, ce livre. Bien sûr, on ne retrouvera jamais la sensation de la première lecture. La découverte, l’attente, le suspense, l’appréhension. Les surprises, les rebondissements. La satisfaction d’un bon dénouement. Ce ne sera plus pareil. Ce ne seront que des souvenirs. Mais peu importe, parce qu’entre temps, on en aura lu d’autres.
Cette année aura été un de ces livres-là. Une histoire incroyable, des rencontres improbables, des événements rocambolesques, le tout sorti de l’immagination d’un auteur loufoque – ou d’un buveur d’absinthe. Et moi lectrice candide, je m’y suis laissée prendre. J’ai vécu chaque instant avec cette héroïne comme si j’y avais été. Je me suis attachée à tous les personnages, et je m’en sentais proche comme si j’avais partagé un épisode de leur vie. Je me suis laissée porter par le fil comme on se laisse envoûter par une mélodie, hyptoniser par un bon film. Et puis soudain, sans prévenir, le moment est arrivé de tourner la dernière page. C’est un véritable choc, une surprise qui n’aurait pas dû l’être. Mais il n’y a rien à faire à part…en profiter. Alors, j’en profite, assise au creux d’une des plus belles places du monde en lieu de fauteuil, je feuillète mes souvenirs en guise de pages. Bien sûr, à Sienne, je pourrais y revenir. Mais ce ne sera plus pareil. Il n’y aura plus toutes ces premières fois. En revanche, nombre de mes habitudes ont commencé à prendre des airs de « dernière fois » récemment. Dernière fois que j’assiste à un cours. Dernière fois que je petit-déjeune dans ce bar. Dernière fois que je sors de cette bibliothèque. Dernière fois que je passe un examen. Dernière fois que je vois telle personne. Dernière fois que je raconte un chapitre de mon année dans un billet.
Mais j’avance un peu vite en besogne, car l’année n’est pas finie. Il me reste dix jours de cette vie, dix jours dont je compte profiter au maximum. Et puis, il reste le Palio et les préparatifs des jours qui le précèdent. L’apothéose de cette année, en quelque sorte. Le bouquet final. Il s’agit de ne pas ternir ces derniers jours de l’amertude et de la nostalgie qu’inspire l’imminence du départ. Après tout, partir, c’est bien aller quelque part. Et il n’y a pas que des amis qui se quittent ; il y a aussi des gens qui se retrouvent, sur le quai d’une gare.